Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

employaient toutes les ressources du fanatisme pour soulever le peuple des campagnes et des villes contre la constitution civile du clergé. » Les évêques ordonnèrent aux prêtres de ne plus célébrer les offices religieux dans la même église que les prêtres constitutionnels, de peur que le peuple ne confondît les deux cultes et les deux sacerdoces. « Indépendamment, ajoute-t-il, de ces lettres circulaires écrites aux curés, on répandit dans les campagnes des instructions destinées au peuple. On disait que l’on ne pouvait s’adresser pour les sacrements aux prêtres constitutionnels, qualifiés d’intrus ; que tous ceux qui y participaient devenaient, par leur seule présence, coupables de péché mortel ; que ceux qui se feraient marier par les intrus ne seraient pas mariés, qu’ils attireraient la malédiction sur eux et sur leurs enfants ; qu’il ne fallait avoir aucune communication avec eux, ni avec ceux qui s’étaient séparés de l’Église ; que les officiers municipaux qui les installaient devenaient apostats comme eux ; qu’à l’instant même de l’installation, les sonneurs de cloches et les sacristains devaient abdiquer leur emploi... Ces écrits fanatiques produisirent l’effet qu’en attendaient les évêques : des troubles religieux éclatèrent de toutes parts. »

Les soulèvements eurent lieu surtout dans le Calvados, dans le Gévaudan et dans la Vendée. Ces pays étaient assez mal disposés pour la révolution, parce que la classe moyenne et éclairée y était peu nombreuse, et que la multitude s’était dès lors maintenue dans la dépendance du clergé et de la noblesse. Les Girondins alarmés voulurent prendre des mesures de rigueur contre l’émigration et les prêtres dissidents qui attaquaient l’ordre établi. Brissot proposa d’arrêter l’émigration en renonçant au système de mollesse et de complaisance qu’on avait jusque là suivi à son égard. Il distingua les émigrants en trois classes : 1° les principaux chefs, à la tête desquels il mettait les deux frères du roi ; 2° les fonctionnaires publics qui abandonnaient leurs places et leur pays, et cherchaient à embaucher leurs collègues ; 3° les simples particuliers qui, par crainte pour leurs jours, par haine pour la révolution, ou