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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

du peuple qui occupait les tribunes, le serment de vivre libre ou de mourir. Elle vota ensuite des remercîments aux membres de l’assemblée constituante, et se disposa à commencer ses travaux.

Mais ses premiers rapports avec le roi n’eurent pas le même caractère d’union et de confiance. La cour, qui sans doute espérait reprendre sous la législative la position supérieure qu’elle avait perdue sous la constituante, ne ménagea pas assez une autorité populaire inquiète, susceptible, et qui passait alors pour la première de l’état. L’assemblée envoya soixante de ses membres en députation auprès du roi, pour lui annoncer qu’elle était constituée. Le roi ne les reçut pas lui-même, et leur fit dire par le ministre de la justice qu’il ne pourrait les admettre que le lendemain, à midi. Un renvoi aussi peu mesuré, et les communications entre le prince et la représentation nationale rendues indirectes au moyen d’un ministre, blessèrent vivement la députation. Aussi, lorsqu’elle fut en présence de Louis XVI, Duchastel, qui la présidait, lui dit laconiquement : « Sire, l’assemblée nationale législative est définitivement constituée ; elle nous a députés vers vous pour vous en instruire. » Louis XVI lui répondit plus sèchement encore : « Je ne puis vous aller voir avant vendredi. » Cette conduite de la cour à l’égard de l’assemblée était maladroite, et peu propre à lui concilier l’affection populaire.

L’assemblée approuva la manière froide dont le président de la députation s’était exprimé, et elle se permit bientôt un acte de représailles. Le cérémonial avec lequel le roi devait être reçu au milieu d’elle était réglé par les lois précédentes. Un fauteuil en forme de trône lui était réservé ; on se servait à son égard des titres de Sire et de Majesté ; et les députés, debout et découverts à son arrivée, s’asseyaient, se couvraient, et se levaient encore, en imitant avec déférence tous les mouvements du prince. Quelques esprits inquiets et exagérés trouvaient ces condescendances indignes d’une assemblée souveraine. Le député Grangeneuve demanda que les mots de sire et majesté fussent remplacés par le titre plus constitutionnel