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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

après une foudroyante sortie contre cette procédure, força le côté droit au silence, et demeura triomphant d’une accusation qu’on n’avait élevée que pour l’effrayer.

On n’attaquait pas seulement quelques députés, mais l’assemblée elle-même. La cour intriguait contre elle, le côté droit la poussait à l’exagération. Nous aimons ses décrets, disait l’abbé Maury ; il nous en faut encore trois ou quatre. Des libellistes soudoyés faisaient vendre à sa porte des écrits propres à lui enlever le respect du peuple ; les ministres blâmaient et contrariaient sa marche. Necker, que le souvenir de son ancien ascendant poursuivait toujours, lui adressait des mémoires, dans lesquels il combattait ses décrets et lui donnait des conseils. Ce ministre ne pouvait pas s’accoutumer à un rôle secondaire : il ne voulait pas suivre les plans brusques de l’assemblée, entièrement contraires à ses idées de réformes successives. Enfin, convaincu ou lassé de l’inutilité de ses efforts, Necker partit de Paris, après avoir donné sa démission le 4 septembre 1790, et il traversa obscurément les provinces qu’un an auparavant il avait parcourues en triomphateur. En révolution, les hommes sont facilement oubliés, parce que les peuples en voient beaucoup et vivent vite. Si l’on ne veut pas qu’ils soient ingrats, il ne faut pas cesser un instant de les servir à leur manière.

D’un autre côté, la noblesse, qui avait reçu un nouveau sujet de mécontentement par l’abolition des titres, continua ses tentatives contre-révolutionnaires. Comme elle ne parvenait pas à soulever le peuple qui, par sa position, trouvait les changements nouveaux très avantageux, elle recourut à un autre moyen qui lui parut plus sûr : elle quitta le royaume pour y rentrer ensuite, en mettant l’Europe dans sa querelle. Mais, en attendant que l’émigration pût s’organiser, en attendant qu’elle trouvât à la révolution des ennemis étrangers, elle continua à lui en susciter dans l’intérieur du royaume. Les troupes étaient depuis quelque temps travaillées en sens divers, comme il a été dit plus haut. Le nouveau code militaire était favorable aux soldats ; les grades accordés auparavant à la no-