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comme les hommes m’avaient appelé Dieu et Fils de Dieu, Dieu ne voulant que je fusse au jour du jugement un sujet de raillerie pour les démons, a voulu que je fusse en ce monde l’objet de l’ignominie des hommes par la mort de Judas, tous étant persuadés que j’avais subi la mort sur la croix. Et cette ignominie durera jusqu’à la mort de Mahomet qui, lorsqu’il viendra en ce monde, délivrera de cette erreur tous ceux qui croient en la loi de Dieu. »



Actes et passion de saint Barnabé.

Cet écrit a été publié en grec, avec la traduction latine du cardinal Sirlet, par les Bollandistes (Acta sanctorum, t. II Junii, p. 431) ; il est tiré d’un manuscrit du Vatican, et il est attribué, bien à tort, à Jean-Marc, cousin de Barnabé. Le P. Papebroch, l’un des plus judicieux continuateurs de Bolland, l’a fait précéder d’une dissertation sur saint Barnabé, sa vie, ses prédications, son apostolat et son martyre. Il y a joint un extrait de la Vie de l’apôtre, tiré de Mombritius.

Baronius a porté sur ces Actes un jugement un peu sévère, il les réprouve nettement : Quædam Barnabæ Acta quœ nomine Joannis ab aliquo nebulone scripta circumferuntur, et ab imperitis magno applausu excipiuntur, multis et apertissimis coagmentata mendaciis, et sunt en potissimum quœ Actorum apostolorum historiæ a Luca conscriptæ repugnant.

Voici la traduction de cette composition :

« Après l’avènement de notre Sauveur Jésus-Christ, Pasteur miséricordieux et Médecin secourable, après ce mystère saint, digne de toute louange, et que nulle parole ne pourrait expliquer, la foi se répandit parmi les Chrétiens qui placèrent saintement leur espérance, et qui furent marqués du signe de Jésus-Christ ; je contemplai, et je vis ces grands événements, et je me consacrai avec empressement au service du Seigneur, et je pensai qu’il était nécessaire de raconter les mystères que je vis et que j’entendis. Ainsi, moi Jean, qui ai suivi les apôtres Barnabé et Paul, j’avais été auparavant au service du prêtre Cyrille[1], mais je participai à la grâce de l’Esprit-Saint par l’entremise de l’apôtre Pierre, de Barnabé et de Paul, hommes dignes que Dieu les appelât à lui, et qui me donnèrent le baptême. Après que j’eus été arrosé de l’eau du baptême, un homme revêtu d’un habit blanc se présenta à ma vue, et me dit : « Aie bon courage, Jean ; tu changeras ton nom pour t’appeler Marc, et ta gloire sera annoncée dans l’univers, et les ténèbres qui s’étaient d’abord introduites dans ton esprit en seront expulsées, et il t’est donné l’intelligence qui fera que tu pourras comprendre les mystères de Dieu. »

« Quand je vis cela, je tremblai de tout mon corps, et je me réfugiai aux pieds de Barnabé, et je lui annonçai ce que j’avais vu, et les mystères que j’avais entendus de cet homme. L’apôtre Paul était absent au moment où je fis cette communication à Barnabé. Et alors Barnabé me dit : « Aie soin de ne révéler à personne cette vision, et apprends que cette nuit même le Seigneur s’est montré à moi, et m’a dit : « Aie bon courage, tu as exposé ton âme à la mort à cause de mon nom, et tu as souffert d’être séparé de ta nation ; prends ce serviteur qui est auprès de vous, car des mystères divins lui ont été révélés. » Conserve donc en toi, mon fils, ce que tu as vu et ce que tu as entendu ; il viendra un temps qui apportera l’explication de ces choses. »

« Après qu’il nous eut ainsi rassurés par ces paroles, nous restâmes bien des jours à Jérusalem, et nous vînmes à Antioche, d’où nous nous rendîmes à Séleucie, et après y être demeurés trois jours, nous nous embarquâmes pour l’île de Chypre. Je les accompagnai dans leurs pérégrinations à travers l’île entière. Et ayant quitté Chypre, nous fûmes poussés à Perga, ville de Pamphylie où je séjournai deux mois environ. Je voulais me rendre vers les régions de l’Occident, mais le Saint-Esprit ne me le permit pas. Et, étant retourné en Chypre, j’appris que les apôtres étaient à Antioche ; je m’y rendis, et j’y trouvai Paul accablé par la fatigue de ses travaux et de ses voyages. Barnabé proposa à Paul d’aller ensemble à l’île de Chypre, d’y passer l’hiver, et de se rendre ensuite à Jérusalem pour les fêtes ; et une grande discussion eut lieu entre eux à cet égard[2].

« Barnabé me pria de les suivre, moi qui dès le commencement avais été attaché à leur personne et qui les avais accompagnés dans l’île entière de Chypre. Paul ne goûtait pas l’avis de Barnabé, et disait qu’il n’était pas possible que j’allasse avec eux. Les frères qui étaient là disaient que je devais les suivre, puisque j’avais promis de les accompagner jusqu’aux extrémités du monde. Paul soutenait le contraire, et il dit à Barnabé : « Si tu veux avoir avec toi Jean qui est surnommé Marc, prends une autre route que celle que je suivrai, car il ne viendra pas avec nous. « Alors Barnabé réfléchit et dit : « Celui qui a servi la cause de l’Évangile et qui a cheminé avec nous ne doit pas être écarté des faveurs de Dieu ; ainsi, si tu le permets, Paul, je prendrai Marc avec moi, et me mettrai en route d’un autre côté. » Alors Paul dit : « Va avec la grâce de Dieu, de même que nous irons assistés par l’Esprit-Saint. »

« Ils fléchirent les genoux et prièrent Dieu,

  1. D’après Mombritius, ce Cyrille était prêtre de Jupiter : Nefandissimi templi Jovis ; Baronius regarde cette circonstance comme très peu vraisemblable. On ne trouve d’ailleurs, parmi les grands prêtres des Juifs, aucun qui ait porté le nom de Cyrille ; mais on donnerait sans doute aux assertions contenues dans les écrits apocryphes une importance qu’elles ne méritent pas, si l’on s’efforçait d’éclaircir et de justifier des choses qui sont souvent le résultat de l’erreur.
  2. C’est aussi ce que rapportent les Actes, c. xv, 39.