rendent en queique manière présent où il
les dirige, elles sont plus fortement appliquées
sur les objets, parce que les
sens ne lui causent aucune distraction. Ses
connaissances naturelles sont plus étendues,
non-seulement parce qu’il envisage les
choses d’une vue plus simple, mais aussi à
cause de l’expérience de tous les’siècles qui
lui en découvre les liaisons, qui lui fait pénétrer
dans le fond de la nature, dont il connaît
les ressorts, les causes, les effets, d’une
manière plus parfaite que le plus grand
philosophe ; et c’est cette connaissance intime
que le démon a de la nature qui lui
apprend comment il faut en remuer les diverses
parties. De là vient que nous qui
ignorons tous ces ressorts et la manière de
les faire agir, somtnes étrangement frappés
à la vue de ses opérations, et que nous regardons
comme un miracle ce qui n’est assez
souvent qu’une opération du dénion, produite
par des causes autrement appliquées
et remuées que selon le cours ordinaire de
la nature. Ajoutez, Monsieur, à cette considération,
que la haine du diable contre l’Eglise
et le sentiment de sa propre peine lui
font recueillir toutes ses forces et épuiser
toutes ses ruses, afin que, s’il la trouvait accessible,
il lui portât quelque coup mortel.
Et ainsi il est aisé de conclure que, comme
le démon a beaucoup plus de lumière, de pénétration,
d’activité que l’homme, il ne faut
pas douter que son pouvoir ne lui soit de
beaucoup supérieur ; et par conséquent, eh
le concevant comme un esclave dans une entière
dépendance de Dieu, nous devons aussi
le considérer comme un furieux et un puissant
ennemi, lorsqu’il plaît à Dieu. de lui
lâcher sa chaîne. Vous voyez par là que les
imputations odieuses de l’auteur s’évanouissent
d’elles-mêmes, et’que notre doctrine,
considérée sous ces deux aspects, ne répugne
ni à la raison, ni à la révélation, ni à l’idée
des perfections divines.
Au reste je ne puis comprendre pourquoi ces gens veulent trouver de l’opposition entre la toute-puissance de Dieu et le ministère du diable. C’est une chose étrange que les préjugés ils aveuglent tellement l’esprit qu’ils le rendent incapable d’examiner mûrement si ce que l’on avance ne peut être rétorqué car, par cette objection que l’auteur fait si souvent, il renverse de fond en comble son hypothèse. Admettons ici toutes ses explications et celles de ses disciples ; mais qu’il nous soit aussi permis de raisonner.
Vous voulez absolument ; Monsieur, que vos idées claires et distinctes des perfections divines excluent les opérations des démons. ; qu’il y ait de la contradiction à croire que ces esprits s’opposent à la volonté de Dieu ; vous me dites là-dessus mille belles choses pour m’éblouir. Je me fixe à votre propre hypothèse. Ce diable, ce Satan, ces démons sont pour vous quelque homme calomniateur, quelque adversaire, des passions humaines, des mouvements irréguliers de l’esprit, tout ce qu’il vous plaira, Mais fous ne pouvez
pas nier au moins que ces hommes ainsi caractérisés
no soient autant d’ennemis de
Dieù et de son Evangile, des séducteurs, des
persécuteurs. Permettez-moi donc de vous
demander si ce n’est pas une chose beaucoup
plus incompatible avec l’idée des perfections
de Dieu, de lui opposer ces créatures
faibles, ces hommes mortels, plutôt que le
diable, qui est un esprit dégagé de la matière,
d’une expérience consommée un esprit
frémissant de rage_ et enflammé de haine
contre les hommes ? Vous direz peut-être
que ces traits dont je dépeins le diable sont
outrés. Eh bien ! adoucissons-les diminuez-en
le pouvoir tant qu’il vous plaira ; ne le
faites pas plus grand que celui de l’homme.
Toujours sera-t-il constant que, la puissance
de ces deux créatures étant égale, il y aura
dans votre hypothèse une contradiction égale
à celle que vous nous objectez. S’il est vrai
que le diable ne peut agir contre la volonté
d’un Dieu qui fait invinciblement toutes choses
par lui-même, il ne sera pas moins vrai,
par les mêmes raisons, que l’homme ne peut
agir contre la volonté de Dieu. J’admets vos
mêmes idées. Dieu est partout également
présent, également puissant, et le diable et
l’homme sont partout également bornés,
également faibles. Je veux bien que ces termes
de principautés et de puissances, de
prince de ce monde, de dieu de ce siècle, de
prince de la puissance de l’air, de malices
spirituelles qui sont aux lieux célestes, de
celui qui a l’empire de la mort, d’accusateur
des fidèles d’ennemi, de lion rugissant ; je
veux bien que ces expressions soient figurées.
Accommodez-les aux opinions vulgaires
du temps où les saints hommes ont écrit.
Cependant vous voulez que par ces termes il
faut entendre des ennemis de Dieu et de son
Eglise, accusant, séduisant, persécutant les
fidèles ; et par conséquent voilà ces hommes
aussi bien agissant contre l’autorité’du Tout.
Puissant, que le démon que vous voulez bannir
du monde par ces seules et mêmes raisons.
Après que M. Bekker a ainsi noirci notre créance, il exalte extrêmement l’utilité de son ouvrage. Ce livre me servira, dit-il, de témoin, que je rends d’autant plus d’honneur d la puissance et à la sagesse du Très-Haut, que ceux qui l’avaient donnée au diable lui en avaient ôté (Préf. du liv. i). Il semble qu’il dispute contre des idolâtres. Nous ne ravissons point l’honneur qui est dû d la puissance et d la sagesse dit Très-Haut, au contraire nous exaltons infiniment sa gloire. C’est M. Bekker qui veut affaiblir sa puissance, en liant le diable dans les enfers. Il faut vous rendre cette vérité palpable par un ou deux exemples familiers. Prenez celui d’Adonibézec ; le texte sacré nous apprend que soixante-dix rois ayant les pouces des mains et des pieds coupés, avaient recueilli du pain sous sa table (Judic. it 7). Ç’a été sans doute beaucoup de gloire à ce prince mais elle aurait été incomparablement plus grande, si, au lieu de leur avoir coupé les pouces, il leur eût mis les armes à la main pour exé-