Page:Migne - Encyclopédie théologique - Tome 49.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
915 APPENDICE AU DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES 916


rendent en queique manière présent où il les dirige, elles sont plus fortement appliquées sur les objets, parce que les sens ne lui causent aucune distraction. Ses connaissances naturelles sont plus étendues, non-seulement parce qu’il envisage les choses d’une vue plus simple, mais aussi à cause de l’expérience de tous les’siècles qui lui en découvre les liaisons, qui lui fait pénétrer dans le fond de la nature, dont il connaît les ressorts, les causes, les effets, d’une manière plus parfaite que le plus grand philosophe ; et c’est cette connaissance intime que le démon a de la nature qui lui apprend comment il faut en remuer les diverses parties. De là vient que nous qui ignorons tous ces ressorts et la manière de les faire agir, somtnes étrangement frappés à la vue de ses opérations, et que nous regardons comme un miracle ce qui n’est assez souvent qu’une opération du dénion, produite par des causes autrement appliquées et remuées que selon le cours ordinaire de la nature. Ajoutez, Monsieur, à cette considération, que la haine du diable contre l’Eglise et le sentiment de sa propre peine lui font recueillir toutes ses forces et épuiser toutes ses ruses, afin que, s’il la trouvait accessible, il lui portât quelque coup mortel. Et ainsi il est aisé de conclure que, comme le démon a beaucoup plus de lumière, de pénétration, d’activité que l’homme, il ne faut pas douter que son pouvoir ne lui soit de beaucoup supérieur ; et par conséquent, eh le concevant comme un esclave dans une entière dépendance de Dieu, nous devons aussi le considérer comme un furieux et un puissant ennemi, lorsqu’il plaît à Dieu. de lui lâcher sa chaîne. Vous voyez par là que les imputations odieuses de l’auteur s’évanouissent d’elles-mêmes, et’que notre doctrine, considérée sous ces deux aspects, ne répugne ni à la raison, ni à la révélation, ni à l’idée des perfections divines.

Au reste je ne puis comprendre pourquoi ces gens veulent trouver de l’opposition entre la toute-puissance de Dieu et le ministère du diable. C’est une chose étrange que les préjugés ils aveuglent tellement l’esprit qu’ils le rendent incapable d’examiner mûrement si ce que l’on avance ne peut être rétorqué car, par cette objection que l’auteur fait si souvent, il renverse de fond en comble son hypothèse. Admettons ici toutes ses explications et celles de ses disciples ; mais qu’il nous soit aussi permis de raisonner.

Vous voulez absolument ; Monsieur, que vos idées claires et distinctes des perfections divines excluent les opérations des démons. ; qu’il y ait de la contradiction à croire que ces esprits s’opposent à la volonté de Dieu ; vous me dites là-dessus mille belles choses pour m’éblouir. Je me fixe à votre propre hypothèse. Ce diable, ce Satan, ces démons sont pour vous quelque homme calomniateur, quelque adversaire, des passions humaines, des mouvements irréguliers de l’esprit, tout ce qu’il vous plaira, Mais fous ne pouvez


pas nier au moins que ces hommes ainsi caractérisés no soient autant d’ennemis de Dieù et de son Evangile, des séducteurs, des persécuteurs. Permettez-moi donc de vous demander si ce n’est pas une chose beaucoup plus incompatible avec l’idée des perfections de Dieu, de lui opposer ces créatures faibles, ces hommes mortels, plutôt que le diable, qui est un esprit dégagé de la matière, d’une expérience consommée un esprit frémissant de rage_ et enflammé de haine contre les hommes ? Vous direz peut-être que ces traits dont je dépeins le diable sont outrés. Eh bien ! adoucissons-les diminuez-en le pouvoir tant qu’il vous plaira ; ne le faites pas plus grand que celui de l’homme. Toujours sera-t-il constant que, la puissance de ces deux créatures étant égale, il y aura dans votre hypothèse une contradiction égale à celle que vous nous objectez. S’il est vrai que le diable ne peut agir contre la volonté d’un Dieu qui fait invinciblement toutes choses par lui-même, il ne sera pas moins vrai, par les mêmes raisons, que l’homme ne peut agir contre la volonté de Dieu. J’admets vos mêmes idées. Dieu est partout également présent, également puissant, et le diable et l’homme sont partout également bornés, également faibles. Je veux bien que ces termes de principautés et de puissances, de prince de ce monde, de dieu de ce siècle, de prince de la puissance de l’air, de malices spirituelles qui sont aux lieux célestes, de celui qui a l’empire de la mort, d’accusateur des fidèles d’ennemi, de lion rugissant ; je veux bien que ces expressions soient figurées. Accommodez-les aux opinions vulgaires du temps où les saints hommes ont écrit. Cependant vous voulez que par ces termes il faut entendre des ennemis de Dieu et de son Eglise, accusant, séduisant, persécutant les fidèles ; et par conséquent voilà ces hommes aussi bien agissant contre l’autorité’du Tout. Puissant, que le démon que vous voulez bannir du monde par ces seules et mêmes raisons.

Après que M. Bekker a ainsi noirci notre créance, il exalte extrêmement l’utilité de son ouvrage. Ce livre me servira, dit-il, de témoin, que je rends d’autant plus d’honneur d la puissance et à la sagesse du Très-Haut, que ceux qui l’avaient donnée au diable lui en avaient ôté (Préf. du liv. i). Il semble qu’il dispute contre des idolâtres. Nous ne ravissons point l’honneur qui est dû d la puissance et d la sagesse dit Très-Haut, au contraire nous exaltons infiniment sa gloire. C’est M. Bekker qui veut affaiblir sa puissance, en liant le diable dans les enfers. Il faut vous rendre cette vérité palpable par un ou deux exemples familiers. Prenez celui d’Adonibézec ; le texte sacré nous apprend que soixante-dix rois ayant les pouces des mains et des pieds coupés, avaient recueilli du pain sous sa table (Judic. it 7). Ç’a été sans doute beaucoup de gloire à ce prince mais elle aurait été incomparablement plus grande, si, au lieu de leur avoir coupé les pouces, il leur eût mis les armes à la main pour exé-