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DICTIONNAIRE DE THEOLOGIE MORALE


l’esprit et le cœur. On orne leur esprit de choses frivoles, on met entre leurs mains le roman et le feuilleton. Mais si on prétendait en faire des femmes perdues, s’y prendrait-on autrement ? « Que diriez-vous, disait Voltaire, d’un maître à danser qui aurait appris son métier à un écolier pendant dix ans, et qui voudrait lui casser la jambe parce qu’il l’a trouvé dansant avec un autre ? » L’éducation est donc une des principales sources du mal. Nous disons que la manière dont se font les mariages n’est pas une cause moins importante. Qu’est-ce qui préside actuellement aux unions matrimoniales ? Est-ce la sympathie de l’esprit et du cœur ? Avant de consommer une aussi hardie entreprise, examine-t-on sérieusement la conduite, le caractère des personnes ? Point du tout. On met sur la balance l’emploi, la fortune. S’il y a beaucoup d’or, tout est pour le mieux. De là il arrive qu’un homme blasé sur tous les plaisirs s’arrête un instant sur l’objet qu’il a pris pour épouse, vole bientôt à d’autres objets. Une femme, ne voyant dans celui qu’on lui a donné pour mari ni rapport d’âge, ni sympathie du cœur, cherche ailleurs des plaisirs qu’elle ne trouve pas avec celui qui lui a été choisi pour époux. Elle déserte l’autel conjugal pour aller sacrifier sur un autel étranger.

Les remèdes à un si grand mal seraient, 1° dans une réforme complète des principes de l’éducation. Que l’éducation soit plus sérieuse, surtout plus religieuse ; qu’on ôte de la main du jeune homme et de la jeune fille le roman et le feuilleton, pour les accoutumer à mener une vie constamment occupée, on aura fait beaucoup pour les bonnes mœurs. Nous ne parlons pas des mariages, ils auront un article particulier.

Nous croyons aussi que si la loi était plus sévère, que si le crime prenait un caractère social, qu’il fût poursuivi comme le vol ce serait encore mettre un obstacle sérieux au débordement des mœurs. On ne tolère pas un vol public ; pourquoi tolère-t-on les adultères publics ? C’est avec raison que Montesquieu loue le tribunal domestique établi chez les Romains. S’il remplissait bien le but de son institution, il devait empêcher bien des adultères.

ARTICLE II.
De l’adultère considéré sous le point de vue religieux et chrétien.

8. La religion n’a jamais eu assez d’anathèmes pour poursuivre l’adultère. On est effrayé de la pénalité portée par les canons pénitentiaux contre ce crime. Quinze ans d’une pénitence sévère, dont la plus grande partie passée au pain et à l’eau, et puis des aumônes, des prières, des mortifications, la privation de la communion pendant toute sa vie. Aujourd’hui que nous sommes habitués à faire de petites pénitences pour les plus grands péchés, nous sommes étonnés d’une telle sévérité. Nous ne le serions pas, si nous mesurions l’offense sur la grandeur et la sainteté de Dieu. Dans la suite, la discipline


de l’Eglise s’est montrée moins sévère ; mais elle a eu soin de rappeler ses anciens canons sur l’adultère et de mettre ce péché au nombre des cas réservés, pour apprendre aux confesseurs que c’est l’un de ces crimes qui doivent fixer leur attention d’une manière toute spéciale. Si aujourd’hui les évêques de plusieurs diocèses ont cessé de le porter sur la table de leurs cas réservés, c’est sans doute parce que malheureusement ce péché est devenu trop commun.

Dans l’article précédent, nous avons fait connaître les funestes effets qui peuvent suivre de l’adultère nous voulons ici en étudier les conséquences, 1° par rapport aux époux 2° par rapport aux coupables 3° par rapport à la famille.

§ 1er. Conséquences de l’adultère par rapport aux époux.

9. L’injure causée par l’époux coupable à l’époux innocent est tellement grave, que les politiques et les hérétiques se sont demandé si le lien le plus puissant et le plus auguste qui puisse unir un homme à une femme n’en était pas rompu. Au mot Divorce, nous montrerons ce qu’il faut penser de leur opinion. Mais ce qui est incontestable, c’est qu’elle produit le pouvoir de la séparation et que quelquefois elle la nécessite. Cette question se présentera au mot Séparation.

§ 2. Conséquences de l’adultère par rapport aux coupables.

10. Lorsque deux personnes ont eu le malheur de se laisser entraîner au crime d’adultère, il se forme entre elles un lien, un attachement particulier, qui peut avoir les conséquences les plus funestes. Le désir de s’épouser peut les porter au crime. C’est donc avec beaucoup de sagesse que l’Eglise, voulant couper le mal jusque dans sa racine, a établi un empêchement dirimant de mariage entre les personnes qui ont commis le péché d’adultère en se promettant le mariage. Cet empêchement est connu sous le nom du crime. Nous lui consacrons un article particulier. Voy. Crime, nos 6 et 7.

§ 3. Des conséquences de l’adultère par rapport à la famille.

11. L’adultère peut introduire dans la famille une personne étrangère, qui vient prendre la nourriture qui appartient aux enfants légitimes, et partager avec eux le bien que leur laisse l’époux dont il est seulement le fils putatif. De là naît l’obligation de restituer.

12. Lorsqu’il est certain qu’il est né un enfant d’un commerce adultérin, le père naturel de cet enfant et la mère sont obligés solidairement de réparer le tort causé à l’époux et aux enfants légitimes. Le père manquant à sa part de restitution, elle incombe entièrement sur la mère, comme celui-là est tenu de réparer tout le dommage si la mère s’y refuse.

Il est aisé d’établir le principe, mais il est souvent plus difficile de l’exécuter ; car la