Page:Mieille — L'espéranto, Sa Situation actuelle, Son Avenir, 1903.pdf/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 12 —

On voudrait nous faire passer pour de bons toqués et l’on lit à notre endroit, dans les gazettes, des assertions stupéfiantes. L’un dit que nous sommes une poignée de lunatiques ; l’autre que nous sommes la risée des vrais savants ; un autre encore, que la langue artificielle est la quadrature du cercle, etc., etc.

Eh bien ! nous, les bons toqués ; nous, les lunatiques ; nous la dérision des vrais savants ; nous, les chercheurs de quadrature, comptons dans nos rangs les sommités des scientifiques, les sommités de l’Université, les plus grands noms du monde commercial et industriel.

Je ne rendrai pas à nos adversaires la monnaie de leur pièce en disant que tout ce qu’il y a au monde de gens intelligents est ou veut être Espérantiste ; mais si je ne le dis pas, je ne m’interdis pas de le penser…

II

Ceci entendu, revenons à l’Espéranto…

L’Espéranto est la création du docteur russe Zamenhof, qui en a fait l’œuvre de sa vie entière.

Voici, en bref raccourci, son principe et sa structure ;

La langue internationale devra satisfaire aux conditions suivantes : être de prononciation aisée pour tous les hommes de culture moyenne, avoir une grammaire très simple, posséder un vocabulaire dont l’assimilation soit facile aux Germains, comme aux Slaves ou aux Latins. Ce doit être une langue complète, c’est-à-dire capable d’exprimer toutes les idées avec précision, et telle qu’on puisse, en un temps très court, la lire, l’écrire et la parler.

Le docteur Zamenhof a-t-il satisfait à ces conditions ? Jugez-en, et si vous ne voulez m’en croire sur parole, prenez un manuel d’Espéranto et voyez par vous-mêmes.

1o Prononciation. — L’Espéranto a commencé par éliminer tous les sons spéciaux, tels que, par exemple, le ch allemand, la j espagnole, le th anglais, les sons nasaux français, en ne gardant que les sont communs à tous les civilisés. Puis, il a adhéré sans réserve et sans exception à ce principe phonétique : un son pour une lettre, une lettre pour chaque son. Ses vingt-huit lettres reproduisent donc vingt-huit sons et seulement vingt-huit, et ces vingt-huit sons exactement et absolument traduits par la lettre correspondante sont choisis de telle sorte que tous, sans exception, sont familiers à tous les peuples de race indo-européenne et ne leur imposent aucun travail supplémentaire. En outre, les sons s’écrivent tels qu’ils se prononcent ;