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Les autres champignons, tenus pour dangereux,
Ou dédaignés de tous pour leur goût doucereux,
Servent uniquement au gibier de pâture,
Aux insectes de nid, aux forêts de parure.
Sur la nappe des prés on les dirait posés
Comme un couvert complet. Par leurs bords évasés
Des girolles[1] tantôt roses, tantôt dorées,
Semblent des verres pleins de liqueurs colorées.
La coquemelle[2] imite un fond de gobelet ;
D’un long verre à champagne un autre[3] a le reflet.
L’agaric[4] rond et blanc, large et plat tout ensemble,
A la tasse de Saxe étonnamment ressemble.
Et la vesse-de-loup[5], globe plein tout entier
D’une poudre noirâtre, a l’air d’un poivrier.
Les lièvres et les loups savent comment se nomme
Le grand nombre de ceux que ne connaît-point l’homme.
Ceux-là sont délaissés ; si parfois un chercheur
Se penche vers l’un d’eux, en voyant son erreur
Il s’irrite et du pied l’écrase ou le déchire.
Mais il abîme l’herbe et c’est mal se conduire.

Dédaignant ceux de l’homme autant que ceux des loups,
Télimène distraite au ciel fait les yeux doux.
Le Notaire lui dit, les deux poings sur les hanches :
« Quels sont ces champignons qui poussent sur les branches ? »
Et l’Assesseur, toujours méchant, la définit :
La femelle qui cherche un endroit pour son nid.

Elle cherche en effet le calme et le silence.
Loin de la compagnie à pas lents elle avance
Du côté d’un coteau doucement étagé
Et d’arbres plus touffus largement ombragé.
Au centre est une pierre ; et de dessous la pierre
Un ruisseau jaillit, gronde, et, cherchant le mystère,
Court se cacher au sein des joncs et des roseaux
Pullulant sur ses bords et nourris de ses eaux
Là le malin espiègle, emmailloté d’herbage,
Immobile et muet sur son lit de feuillage,
Murmure en s’endormant au pied d’un arbrisseau
Comme un enfant criard posé dans son berceau,

  1. Surojadki.
  2. Koźlak.
  3. Ce sont les lejki.
  4. Bielaki.
  5. Purchawka.