Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 24 —

Apprend une nouvelle, et c’est un Bernardin
Qui certes n’a pas du toujours dire la messe
Ni dans les murs d’un cloître atteindre la vieillesse.
A son oreille gauche, auprès de l’œil, on voit
Une entaille profonde et large comme un doigt ;
Il a près du menton une autre cicatrice
Qu’il n’a pu recevoir en chantant à l’office :
Outre ces souvenirs de guerre et de combat,
Sa voix, ses mouvements, tout trahit le soldat.

Il se tourne parfois pour chanter à la messe
« Dominus vobiscum » avec tant de prestesse,
D’un seul coup, qu’on dirait qu’il fait un demi-tour
Sur l’ordre de son chef à l’appel du tambour.
Aux fidèles toujours il lit la liturgie
Du ton d’un officier devant sa compagnie.
Ces détails ont frappé jusqu’aux enfants de chœur.
La politique aussi lui tient bien plus à cœur
Que le martyrologe ; et quand il fait sa quête,
Au chef-lieu du district d’ordinaire il s’arrête.
Il est très affairé, reçoit tout un courrier,
Que jamais étranger ne le vit dépouiller ;
Souvent en grand secret il envoie un message
On ne sait où ; souvent pour le prochain village
Il part pendant la nuit ; il parle bas toujours
Aux nobles ; il parcourt à pied les alentours.
A l’auberge souvent une journée entière
Il fait aux villageois de longs récits de guerre.
Chez le Juge qui dort déjà depuis longtemps
Il entre ; il a pour lui des secrets importants.