Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 248 —

Le Ciel te présageait. Vis et combats, te dis-je,
« Notre héros !… » Il dit et sanglote toujours.
Ce Juif pour la Pologne aurait donné ses jours.
Dąbrowski, lui tendant la main, le remercie.
Jankiel baise en pleurant la main qu’il a saisie.

« Dansons la Polonaise[1] », a dit le Président.
Il rejette les bras de son kontusz pendant,
Tend la main à Zosia ; puis, avec élégance
S’inclinant devant elle, il l’invite à la danse.
Chaque couple, formé par derrière, le suit.
Le signal est donné. Le Président conduit.

Ses bottes rouges vont brillant sur la verdure ;
On voit luire son sabre et l’or de sa ceinture.
Il avance à pas lents comme sans le vouloir,
Mais dans ses moindres pas le connaisseur peut voir
Quels sont ses sentiments et quelle est sa pensée.
Il arrête soudain la danse commencée,
Se penche vers sa dame et lui parle tout bas.
Elle tourne la tête et ne l’écoute pas.
Il ôte sa tchapka, s’incline jusqu’à terre ;
Elle l’a regardé, mais s’obstine à se taire.
Il ralentit la danse et consulte ses yeux ;
Tout à coup il sourit : tout fier et tout joyeux
Il a pressé le pas, regarde avec audace,
Change de sa tchapka la tournure et la place,
La pose sur son front, la fait sauter en l’air,
La met sur son oreille et marche d’un pas fier.
Derrière lui bientôt chacun se précipite :
Il veut leur échapper, il fuit, il les évite.
Quelquefois il s’arrête, et puis, levant la main,
Il semble les prier de passer leur chemin.
Parfois c’est de côté qu’il veut prendre la fuite :
Il veut changer de route et tromper leur poursuite.
Mais eux, pressant le pas, le rejoignent toujours,
Le tenant enfermé dans leurs mille détours.
Irrité, de son sabre il saisit la poignée,
Menaçant les jaloux de sa mine indignée.
Et puis, l’orgueil au front, le défi dans les yeux,
Il marche sur la foule… Alors, les envieux
S’écartent devant lui chacun avec sa dame
Se remet à le suivre.

  1. C’est la plus majestueuse des danses polonaises, exactement décrite dans les vers qui suivent.