Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 227 —

Et tous applaudissaient, lorsqu’un jeune officier,
Prenant son portefeuille, en tire un grand papier,
Le déploie, et, taillant son crayon, il l’humecte,
Et dessine, muet. Le Juge qui l’inspecte
A reconnu les traits de ce dessinateur.
Bien que sous l’uniforme il ait un air vainqueur,
Un vrai port de lancier, une épaulette riche,
Et quoique à l’espagnole il porte la barbiche,
Le Juge a reconnu le Comte : « Eh bien, voisin !
Mars n’a pas étouffé votre amour du dessin,
Paraît-il ? » En effet, c’était le jeune Comte.
Bien que nouveau soldat, les chefs ont tenu compte
De ce qu’il a lui-même armé son régiment ;
Et, comme il s’est déjà comporté bravement,
L’Empereur l’a nommé Colonel tout de suite.
Le Juge, en apprenant ces faits, le félicite.
Le Comte écoute à peine et dessine au plus vite.

Le second couple fait son apparition.
Agent non plus du Tzar mais de Napoléon,
L’Assesseur a le rang d’officier de police :
Et, bien que d’aujourd’hui commence son service,
Il a son uniforme azur, et fait crier
Son grand sabre et sonner ses éperons d’acier.
S’appuyant sur son bras on voit son amoureuse,
Thécle Hreczeszanka, marcher majestueuse.
Car avec Télimène a rompu l’Assesseur
Et par dépit à Thécle il a donné son cœur.
La jeune mariée a près d’un demi-siècle,
Mais, sans compter sa dot, mademoiselle Thécle
Est bonne ménagère, et le Juge donné
Une somme assez ronde au couple fortuné.

Quant au troisième couple, il se fait bien attendre.
Le Juge les réclame et n’y peut rien comprendre.
On lui dit à la fin que le troisième époux,
Le Notaire, a perdu son anneau dans les choux
En chassant… II le cherche… Et, quant à Télimène,
Elle est à sa toilette, et sera prête à peine,
Malgré tous ses efforts et le zélé concours
Des femmes qu’elle occupe à ses pompeux atours,
Alors que la pendule aura sonné quatre heures,