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Giedrojć[1], Małachowski[2]l’avaient aussi formée.

Ils arrivèrent tard : le soir tombait déjà.
Chez le Juge, au château, partout on se logea.
Puis, les ordres donnés, les vedettes en place,
Dans les deux bâtiments pèle-mêle on s’entasse.
La nuit vient, tout s’est tu : camp, logis, champs, tout dort.
A peine on voit errer la patrouille qui sort ;
Par instants des bivouacs la flamme se ravive,
Et d’une sentinelle on entend le qui-vive.

Juge, chefs et soldats, tous sont donc endormis ;
Au Woïski seulement nul repos n’est permis.
Il doit donner demain un festin formidable
Qui rende à tout jamais Soplitzow mémorable,
Soit digne d’invités reçus avec amour,
Et réponde en tous points à la fête du jour.
Demain, mêlant leur joie à l’écho des batailles,
Trois couples recevront l’anneau des fiançailles ;
Et Dąbrowski d’ailleurs a dit : « Je veux avoir
Un dîner polonais. »

Un dîner polonais. » C’est pourquoi, dès le soir,
Le Woïski tout exprès manda du voisinage
Cinq cuisiniers ; lui-même il préside à l’ouvrage…
Un grand tablier blanc noué sous le menton,
Il se retrousse et coiffe un bonnet de coton.
Sa palette à la main, il chasse tout insecte
Qui des objets sucrés en glouton se délecte ;
Puis il mit sur son nez ses lunettes et prit
Un livre dans sa poche : il l’ouvre alors, il lit.

Ce livre s’appelait le Cuisinier modèle[3].
On y voyait décrits d’une plume fidèle
Tous les mets polonais. Tenczyński s’en servait
Pour ces banquets fameux qu’à Rome il présidait,
Et qui faisaient, dit-on, le bonheur du Saint-Père[4].

  1. Le prince Romuald Giedroyć, général de brigade.
  2. Casimir Małachowski plus tard généralissime de l’armée polonaise pendant l’insurrection de 1830, mort en exil à Chantilly.
  3. Kucharz doskonały : livre aujourd’hui très rare, publié il y a plus d’un siècle par Stanislas Czerniecki. (Note de l’auteur).
  4. Il s’agit d’Urbain VIII. — On a souvent décrit et représenté cette Ambassade à Rome. V. le Cuisinier modèle, préface : « Cette ambassade excita une grande admiration en Occident, et fit éclater la haute intelligence de ce seigneur (Ossoliński) ainsi que la splendeur de sa maison et le luxe de sa table… si bien qu’un des princes romains dit un jour : « Rome est aujourd’hui heureuse d’avoir dans ses murs un pareil ambassadeur :». — N.B. Czerniecki lui même était le cuisinier d’Ossoliński. (Note de l’auteur).