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On se tut. La souffrance, ayant repris son cours,
Plus d’une heure durant suspendit les discours.
On attend le curé… Mais un cheval arrive.
Le Juif, tout essoufflé, frappe, et d’une voix vive
Crie : « Une lettre ; il faut la remettre, il le faut. »
Par son frère Robak la fait lire tout haut.
Elle vient de Fiszer (*) qui dirige l’armée
Sous le prince Joseph. (*) « La guerre est allumée »,
Écrit-il, « l’Empereur a pris un arrêté ;
« A l’Europe il fera savoir sa volonté ;
Et bientôt, grâce à lui, la diète réunie
Va joindre la Pologne et la Lithuanie,
Et rendre à ce sujet un vote solennel ».

Jacek, en écoutant, priait tout bas le ciel ;
Et, son cierge béni serré sur sa poitrine,
Il relève ses yeux que l’espoir illumine,
Et d’où coulent à flots des larmes de bonheur :
« Dieu », dit-il, « laisse en paix aller ton serviteur ! »

La nuit baissait déjà. Le ciel, obscur encore,
Blanchissait, tout rosé des lueurs de l’aurore.
A travers les carreaux leur éclat pénétrant
Va frapper sur le lit la tête du mourant ;
Et, venant au devant de l’âme qui s’envole,
A son front pâlissant il met une auréole.