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« Pauvre diable ! C’est toi ! Comment te reconnaître ?
Le beau Jacek, quêteur ! Le Seigneur est puissant ;
Et ce n’est pas fini ; car le sang veut du sang. »

Robak se releva, puis dit en gémissant ;
« Je passais à cheval près du château. Ma tête
Et mon cœur bouillonnaient en proie à la tempête.
Ce père fait mourir sa fille à petit feu,
Disais-je ; il m’a tué. » J’approche encore un peu :
« Voyez comme il est gai ! Dans ce castel antique
Tout est illuminé… L’on entend la musique !
Ces murs ne vont-ils pas crouler sur son vieux front ? »

Pense au mal, et Satan à t’aider sera prompt.
A peine avais-je dit, le Moscovite arrive.
Je regardais… Tu sais que l’attaque fut vive.

Il est faux qu’avec eux je me sois entendu ;
Entre plusieurs projets je restais suspendu.
Je regardais avec le sourire stupide
De l’enfant qui contemple un incendie, avide
De voir du vieux manoir les flammes s’élever.

Ensuite, je voulais m’élancer, la sauver,
Sauver son père même…

Mais vous vous défendiez, tu sais, avec courage,
Les Russes devant moi tombaient en foule. O rage !
Qu’ils tirent mal, les sots ! Je fus pris de fureur
En les voyant battus. Ce Panetier, vainqueur !
Il réussira donc toujours en toute chose !
Même à ce coup terrible avec gloire il s’oppose !
Je partais, tout honteux. L’aube luisait déjà.
Tout à coup au balcon quelque chose bougea.
Je le vis : c’était lui. Son agrafe scintille ;
Il frise sa moustache, et son regard qui brille
Avec fierté, me semble ironique et moqueur.
C’est vers moi que sa main brandit ce fer vainqueur,
Me dis-je, et je saisis l’arme d’un Moscovite.
J’épaule sans viser presque… Oh ! comme il part vite,
Ce coup maudit, tu sais…

O maudite arme à feu ! Qui tue avec le fer,
Pare, attaque, se fend, s’agite comme un ver,
Peut arrêter parfois son épée hésitante ;