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Rykow avec les siens court à l’angle, où la grange
Rejoint la haie : il parle aux chasseurs, il les range,
Et voudrait arrêter ce sanglant pugilat,
Ou sans pouvoir tirer succombe le soldat :
Il n’ose faire feu lui-même et s’en irrite,
Car ses balles pourraient frapper un Moscovite.
« Formez vos rangs ! » a-t-il commandé plusieurs fois ;
Mais au milieu du bruit l’on n’entend pas sa voix.

Maciej se sent trop vieux pour ce genre de lutte.
Il plie, il se dégage et pas à pas dispute
Le terrain ; tout fusil dont son sabre a touché
La baïonnette, est nu comme un cierge éméché ;
Plus loin sa Verge frappe et d’estoc et de taille :
Ainsi pour s’échapper le vieux Maciej travaille.

Mais un rude ennemi l’attaque avec ardeur.
C’est un vieux Caporal autrefois instructeur,
Habile à manier la baïonnette. Il saute,
Se ramasse, et, tenant sa carabine haute,
La droite au chien, la gauche au canon, il bondit,
Tourne sur ses talons, retombe, s’accroupit,
Lâche de la main gauche et de la droite lance
Son arme, comme un dard de serpent qui s’élance.
Il la ramène encor, l’appuie à ses genoux,
Et là, contre Maciej trame de nouveaux coups.

Maciej non sans terreur voit ses feintes secrètes
De sa main gauche il met sur son nez ses lunettes
Et de la droite il tient sa Verge de son mieux.
Il recule toujours sans le quitter des yeux.
Il chancelle, il fléchit comme s’il était ivre.
L autre se croit vainqueur ; il n’a plus qu’à poursuivre.
Pour atteindre à coup sûr celui qu’il croit perdu,
Il se dresse ; en avant son bras droit s’est tendu
Poussant sa carabine. En cet effort suprême
Le poids de l’arme fait qu’il s’entraîne lui-même.
Maciej entre le joint du canon et du fer
Glisse soudain sa garde et lève l’arme en l’air,
Puis le frappe à la main, et, sûr de la victoire,
En relevant son sabre il lui fend la mâchoire :
Ainsi meurt ce héros justement célébré,
Médaillé quatre fois et trois fois décoré.

Près des poutres aussi l’aile gauche résiste