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Et tous, en tournoyant, entonnent leurs concerts :
Des moucherons, Zosia suit l’accord monotone,
Et le faux demi-ton du cousin qui bourdonne.

Dans les champs, le concert s’annonce seulement.
Tous accordent encor leur rustique instrument.
Le premier violon des prés, la bécassine,
A crié ; le butor d’une mare voisine
Lui répond ; la bécasse, au fond du ciel serein,
Chante, et semble là-haut jouer du tambourin.

Ce nocturne concert par un final s’achève :
Du fond de deux étangs un double chœur s’élève :
Tels ces lacs du Caucase au magique miroir
Qui, muets tout le jour, ne chantent que le soir.
L’un d’eux de l’onde pure, où le sable se lave
En un cristal d’azur, lance un son calme et grave ;
L’autre semble tirer de son gosier fangeux,
Pour lui répondre, un cri plaintif et douloureux.
Des grenouilles coasse en eux la double horde,
Dont la rauque clameur se marie et s’accorde.
L’un paraît s’éveiller et l’autre s’assoupir ;
L’un éclate en sanglots ; l’autre exhale un soupir.
Ainsi, pareils à deux harpes éoliennes,
Ces étangs échangeaient des voix aériennes.

La nuit tombe. Là-bas, seuls, auprès des ruisseaux,
Brillent les yeux des loups à travers les roseaux ;
Sur les bords rapprochés de l’horizon rougeâtre
On voit de loin en loin reluire un feu de pâtre.
La lune enfin, levant son fanal immortel,
Sort du bois ; elle éclaire et la Terre et le Ciel,
Qui dorment à présent dans l’ombre lumineuse
Comme un heureux époux près d’une épouse heureuse :
Le Ciel semble presser dans ses bras amoureux
La Terre, que la lune argente de ses feux.

Déjà près de la lune une étoile scintille.
Deux, mille, un million la suivent : plus loin brille
Castor avec Pollux illuminant le ciel.
Les Slaves les nommaient jadis Lel et Polel[1];
Ils ont deux nouveaux noms que le peuple leur donne :

  1. Ou Lelum et Polelum, personnages mythiques du paganisme slave. Voyez la Lilla Weneda de Słowacki.