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Eh ! Messieurs de Dobrzyn ! Vous nous la baillez belle
Ou nous met hors la loi, paraît-il ? J’en appelle.
Lorsque de notre bourg nous fûmes appelés,
Par qui ? par Rembaïlo Gervais, le Porte-clefs,
On nous dit qu’il allait s’agir de choses graves,
Touchant non seulement votre Dobrzyn, mes braves !
Mais le district, nous tous ! Et le moine Robak
Nous a dit, si j’ai bien compris tout son mic-mac,
Quelque chose approchant. Enfin, coûte que coûte,
Tous avec nos voisins nous sommes mis en route.
Dobrzyn n’est pas tout seul ici : nous compterons.
Nous sommes bien au moins deux cents des environs.
Discutons en commun. Et, s’il s’agit de votes,
Votons tous, étant tous égaux et patriotes.
Vive l’égalité ! »

Vive l’égalité ! » Les deux Terajewicz,
Les trois Stypułkowski, les quatre Mickiewicz
Appuyant Skoluba criaient : « qu’on se concerte ! »
Et Buchman répétait : « l’accord, c’est notre perte ! »
Baptiste dit : « Partez ! cela nous est égal !
« Que Maciej des Maciej soit notre maréchal !
« Vivat ! » Les Dobrzyński criaient : « On le propose ! »
Et les autres hurlaient à tue-tête : « On s’oppose ! »
La foule se sépare en deux camps divisés,
Et, remuant la tête en deux sens opposés,
Les uns disent : « veto ! » Les autres : « qu’il commande ! »

Seul, assis au milieu de l’une et l’autre bande,
Le vieux Maciej se tait, comme pétrifié.
Vis-à-vis est debout Jean-Baptiste, appuyé
Sur son bâton ; sa tête en surgit et s’y perche
Ainsi qu’un potiron planté sur une perche,
Et, tour à tour, penchée en arrière, en avant,
Criant : « bénir ! bénir ! » semble tourner au vent.

Entre eux deux le Rasoir courait d’un pas agile
Du Bénisseur debout à Maciej immobile.
De l’un à l’autre camp le Cruchon lentement
Passait, leur conseillant un accommodement :
Et l’un criait : « raser !» ; l’autre « qu’on les arrose ! »
Maciek écoutait tout d’un air sombre et morose.

Depuis un grand quart-d’heure on hurlait, lorsque en l’air
Du sein de ce chaos jaillit comme un éclair