Et semble, avec effort fendant la chennevière,
Nager comme un plongeur au fond d’une rivière.
Il se redresse : rien ! Il s’approche plus près,
Toujours rien ! Il regarde au dedans du palais :
Personne ! Il a franchi le perron non sans crainte ;
Il ouvre : pas une âme en toute cette enceinte !
Il tire son papier et lit à haute voix.
Qu’est-ce ? Un bruit de voiture ! Il tremble cette fois
Et veut fuir… Mais tout près déjà des pas résonnent.
Quel bonheur ! C’est Robak ! Les deux amis s’étonnent
Le Comte avec ses gens sont partis quelque part.
Quel désordre ! Ils ont donc bien hâté leur départ !
On s’est armé : voici des fusils, des baguettes,
Des canons et des chiens, et plus loin des serpettes,
Des tenailles, des vis, des outils d’armurier !
Des cartouches voici la poudre et le papier.
Le Comte entreprend-il une chasse éloignée ?
Mais que vient faire là ce sabre sans poignée,
Cette épée ébréchée et ce stylet rouillé ?
Dans les vieux magasins sans doute on a fouillé,
Et chacun a choisi l’arme la mieux trempée.
Robak examina ces fusils, cette épée,
Et, soupçonnant encor quelque folle équipée,
Il veut se renseigner : la ferme n’est pas loin,
Il y court ; il y voit deux vieilles dans un coin.
Il apprend que le Comte avec sa valetaille
Sont partis pour Dobrzyn en ordre de bataille.
Des hommes de Dobrzyn le courage est vanté ;
De ses femmes partout l’on connaît la beauté.
Qu’il en comptait jadis de batailleurs d’élite !
Lorsque le roi Jean Trois leva la pospolite,[1]
Dobrzyn put envoyer sauver Vienne avec lui
Six cents nobles armés. La bourgade aujourd’hui
A perdu sa splendeur. Jadis, grâce aux diétines,
Aux grands que l’on servait, aux guerres intestines,
Les Dobrzyński gagnaient facilement leur pain.
Maintenant à la terre il faut mettre la main
Comme les paysans. Mais la capote blanche
- ↑ Quand le roi devait proclamer la levée en masse (pospolite ruszenie), il faisait planter dans chaque paroisse une grande perche avec un balai ou wic attaché au sommet : cela s’appelait rozdać wici (distribuer les balais). Tout homme en âge de combattre, appartenant à la noblesse, était tenu, sous peine de perdre son titre de noble, d’aller immédiatement se ranger sous la bannière du palatinat.