LIVRE V
LA QUERELLE
Attendant les chasseurs que le Woïski ramène,
Seule au fond du logis, que fait donc Télimène ?
Elle chasse à son tour. Assise et les deux bras
Croisés sur la poitrine, elle ne bouge pas :
Elle poursuit pourtant deux gibiers ; il lui semble
Pouvoir dans ses filets faire tomber ensemble
Et le Comte et Thadée. Ah ! le friand morceau
Que le Comte ! Il est jeune, il est riche, il est beau ;
Il paraît amoureux ; mais, n’est-il pas volage ?
Et puis, l’aime-t-il bien ? Veut-il le mariage ?
Epouser une femme un peu mûre et sans dot !
Que diront les parents ? Oh que le monde est sot !
Télimène, en pensant à ces choses, se lève,
Se dresse sur ses pieds tendus ; et, fille d’Ève,
Elle entr’ouvre son col, s’incline de côté,
Examine avec soin ses restes de beauté,
Ensuite du miroir interroge la glace,
Baisse les yeux, soupire… et retourne à sa place.
Le Comte est riche ; un riche a soif de changement !
Le Comte est blond… les blonds n’aiment que froidement.
Et Thadée ? Oh c’est bien la naïveté même !
Presque un enfant ! Elle est la première qu’il aime !
On pourra le garder d’autres affections ;
Déjà pour elle il a des obligations…
Les jeunes gens, toujours taxés d’insouciance,