Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutes les poésies anciennes sont, pour ainsi dire, remplies de chants d’oiseaux et de bourdonnements d’insectes. Le barde antique, le chantre des expéditions d’Igor, dit, en parlant d’un poëte mythique, d’un certain Boyan : « L’esprit de Boyan s’élevait comme le brouillard jusqu’à la hauteur des chênes ; comme le brouillard, il couvrait les branches des arbres ! Quelquefois il s’élançait comme l’aigle dans les nues ; quelquefois il courait à travers les champs comme le loup gris. »

À chaque moment, nous rencontrons les noms de tous ces animaux si familiers à la poésie slave. Un chœur d’oiseaux et d’insectes accompagne sans cesse la voix du poête antique. Dans un autre endroit, il dit encore : « Ce roi du chant (Boyan), lorsqu’il entonnait ses hymnes, lançait dix faucons sur le blanc troupeau des cygnes ! » Ce qui signifie qu’il promenait ses dix doigts sur les cordes de la lyre.

Dans la poésie moderne, la nature animée joue aussi un très grand rôle. Les Polonais savent par cœur l’épisode du poëte Goszczynski, ou un chêne bavard raconte a l’oreille du Cosaque les anciennes traditions du pays. En écoutant les strophes brillantes d’un autre de nos poëtes, Zaleski, il nous semble réellement entendre un essaim d’abeilles, de papillons, de petites mouches voltigeant et bourdonnant, leurs ailes dorées ouvertes, au-dessus des steppes verdoyantes de l’Ukraine.

Il nous reste a connaître le principe social des Slaves, le germe constitutif, le dogme générateur d’une société en tout si différente de celle des Celtes.