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de la nation. Les Bohêmes n’ont pas compris que la langue peut subsister par sa seule puissance intérieure ; que sa force est en proportion de la masse de vérités qu’elle renferme ; que sa puissance d’action au dehors est toujours en raison de la masse de chaleur et de lumière qui émane d’elle. Au lieu de chercher dans les chaudes inspirations de la vérité la force qui devait leur assurer la victoire, ils l’ont demandée à l’appui matériel des lois : au lieu de produire des ouvrages plus profonds et d’une tendance plus élevée que les ouvrages allemands, ils ont cru pouvoir chasser le germanisme de leur université de Prague à l’aide de règlements et d’ordonnances ; en un mot, ils n’ont tenté de protéger leur nationalité que par l’arme des prescriptions et des lois.

Cet étroit esprit de patriotisme entra aussi pour beaucoup dans leurs vues religieuses. Ils défendirent de la même manière leur église nationale, église qui ne parlait que le bohême, qui avait son culte et ses dogmes exclusivement en langue bohême. Luttant avec l’enthousiasme d’un peuple jeune et presque encore barbare, ils se servirent des discussions théologiques comme les sauvages se servent des armes de la civilisation et de l’eau-de-vie, c’est-à-dire pour leur mutuelle destruction.

L’Autriche, qui représentait alors la vieille Europe, réussit peu à peu à comprimer et à étouffer cette lutte. Les Bohémes l’ont commencée trop tôt : ils n’avaient pas la puissance d’organisation que possédait l’empire germanique ou cette immense force qu’animait la France ; la France, qui, par une longue pratique des institu-