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s’unir, à se concentrer. La population des plaines, sans cesse balayée, parfois menacée d’une destruction complète, se réfugia dans les montagnes ; là elle sut résister aux étrangers, elle conserva le dépôt de la langue et de la tradition. De nos jours encore, dans ces contrées, les montagnards sont les uniques représentants de l’ancien monde slave. Mais s’il est vrai que dans les montagnes quelque poésie, quelques genres de littérature purent se propager et fleurir, il n’est pas moins vrai aussi que ces poétiques fleurs des sommets, quoique belles et d’une rare fraîcheur, ne purent jamais être riches ni variées. Il est des natures de littérature qui demandent à être cultivées au milieu de populations assises et laborieuses, et dont les besoins physiques sont assurés. Ainsi, dans ces solitudes sauvages, on réussit à créer une poésie lyrique, des chants, des épisodes héroïques ; mais tout ce qui est science et haute littérature ne peut y prendre racine et se développer.

Il était difficile à ces peuplades disséminées sur un vaste territoire de se grouper, de se réunir, de se former en nation. La plus puissante cause de leur dispersion et de leur faiblesse fut surtout leur séparation religieuse. Converties au christianisme au moment où l’Orient rompait violemment avec l’église universelle, elles subirent l’influence des deux églises rivales, des deux tendances contraires et bien souvent hostiles, Leurs chefs, obéissant à des convictions personnelles, quelquefois aux circonstances politiques, penchaient tantôt vers Rome, tantôt vers Constantinople ; mais jamais ils ne purent entraîner