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exploits des chefs cosaques, leurs amours, leurs expéditions aventureuses, tantôt contre, tantôt pour les Polonais et les Russes.

Les plaines de l’Ukraine sont le pays de la poésie lyrique.

Un Cosaque, assis près de sa hutte de terre ou de roseaux, regarde son cheval brouter l’herbe épaisse des steppes ; il promène son regard sur les plaines verdoyantes, en rêvant aux batailles du passé, aux victoires, aux défaites qui ont ensanglanté cette terre. Un chant s’échappe alors de sa poitrine, expression d’un sentiment populaire, ce chant est partout saisi au vol avec enthousiasme ; il passe de génération en génération à la postérité.

Le Danube, le fleuve sacré des Slaves, joue un grand rôle dans leurs poëmes. C’est lui qui traverse ces steppes mystérieuses, ces pays sévères aux destinées insaisissables. Pour le poëte, il est souvent la limite du monde, comme l’océan d’Hésiode ; parfois il est le Scamandre d’Homère, teint du sang des armées. roulant dans ses ondes les armures, les cadavres des héros, les trésors des rois. Mais quelque riche que soit la poésie primitive de ces pays, elle n’est rien en comparaison des accents qu’ils ont inspirés de nos jours. Le poëte russe moderne, surtout le poëte polonais, a peuplé de monuments poétiques ces solitudes désertes ou la tradition n’a pas une pierre où se reposer, n’a pas un arbre où s’abriter. « Là, dit le poëte Zaleski, la poésie, étendue sur les herbes et enlacée de fleurs, résonne tristement, prisonnière comme l’inspiration dans un jeune cœur. Seule-