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Romains. Elle n’est pas attachée à un Capitole ; elle n’a nul besoin d’un Forum ; elle ne s’incarne dans aucun individu. La royauté n’y joue pas le rôle principal ; il est bien plus question de guerriers et de chefs que de rois. La royauté n’est qu’une partie de la patrie, et c’est toujours la société qui est mise en mouvement. Ainsi, on personnifie en quelque sorte des provinces entières ; les Palatinats qui se sont distingués dans les batailles sont récompensés ; ils obtiennent des priviléges ; l’un d’eux, par exemple, a eu comme récompense celui de cacheter ses lettres avec de la cire rouge.

Cette force morale n’ayant aucun centre visible, émouvant toute une société, échappe à l’intelligence dans l’ordre pratique des choses actuelles. Un député français a dit : « La cause polonaise présente cette immense difficulté, qu’elle n’est pas locale, qu’elle est quelque chose d’insaisissable. » Le monarque russe, motivant sa colère contre la Pologne, a dit pareillement : « Les Polonais sacrifient la réalité au rêve. » Il disait vrai, si l’on appelle rêve toute idée qui n’a pas encore son pouvoir sur la terre, qui ne fait que s’avancer vers la réalisation.

Tout cela indique que la poésie polonaise, d’après sa nature, n’a pas d’élément épique ; elle penche plutôt vers le lyrisme et le drame.

Entre les Mongols et les Turcs, entre les Polonais et les Russes, il y a un territoire très intéressant pour l’histoire et la littérature slaves. Ce territoire commence vers la partie inférieure du Danube, à la ville de Belgrade ; d’un côté il côtoie les Karpathes ; de