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les autres nations. Les Mongols savaient, au contraire, profiter des avantages que certains peuples avaient sur eux ; c’est ainsi qu’ils se servirent, par exemple, des artilleurs chinois pour leurs canons. Les Turcs ne répandaient pas une terreur aussi grande que les Tartares, mais ils étaient peut-être plus dangereux pour l’indépendance des peuples. M. Lenormand a dit qu’il ne s’est pas rencontré un seul monarque chez les Mongols qui ait eu le génie de l’organisation. En réalite ils ne surent organiser que la destruction. Les Turcs, au contraire, étaient organisateurs, persévérants ; une fois établis quelque part, il n’était pas facile de les en déloger. Un chroniqueur, surnommé le Janissaire polonais, a comparé les Turcs à une mer qui absorbe les eaux, et qui ne les rend pas. Les inondations tartares, au contraire, disparaissaient de suite.

La grandeur des Turcs menaçant la Pologne, l’irritant continuellement, éveilla toutes les forces de cette nation, et les concentra dans un seul foyer. Ce fut l’origine, la cause, chez les Polonais, de l’élaboration d’un sentiment national, d’une puissance, de l’idée de leur mission. Ils comprirent de bonne heure qu’ils étaient appelés a défendre la chrétienté et la civilisation contre l’islamisme et la barbarie. Ils furent bien vite amenés à concevoir leur but, à mesurer, à apprécier leurs forces et leurs moyens. Le sentiment de ce but et de ces moyens était enfermé pour eux dans le sentiment même de la nationalité ; il s’exprimait par le seul mot : patrie. Le patriotisme est donc le dogme générateur de tout le développement spirituel et