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champ de ces guerres, fixons les monts Karpathes, ces monts au sommet desquels, suivant l’expression du poëte, est assis l’oiseau slave qui, d’une aile, bat la mer Noire, et, de l’autre, la mer Baltique :

« Il est assis sur les montagnes, et lorsqu’il étend ses ailes, deux grandes mers bouillonnent. »

D’un côté de la chaîne des Karpathes, sur des plaines immenses, se développent les Russes et les Polonais ; de l’autre côté, nous voyons les Bohêmes, s’avançant vers le cœur de l’Allemagne, comme les premières sentinelles slaves vers l’Occident.

Le peuple russe le plus voisin des races ouraliennes, le plus longtemps en lutte avec elles, prépara sa future grandeur en gémissant durant des siècles sous le joug des Mongols avec une patience pleine de courage et de résignation. Sa littérature la plus ancienne, · comme déjà frappée d’un pressentiment terrible, porte un cachet de tristesse et de gravité. La religion fut le seul lien entre ces populations subjuguées par les Tartares. Cependant, l’indépendance nationale s’élève et s’accroît ; le pouvoir suprême s’approprie tous les grands mobiles de ces peuples en travail. La littérature russe de ce temps est religieuse, mais encore plus monarchique. Le prince conduit au combat ; tout se passe pour lui, en son nom ; on ne voit pas de héros secondaires ; les individualités s’effacent, en vue de l’indépendance, de l’unité futures. La personne du prince, résumant en elle l’expression sociale de l’époque, les qualités ou les défauts du souverain n’intéresse le poëte qu’autant qu’il peut servir la cause et les destinées de la Russie. La poésie, dès