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pas moins de mille, et si je veux, j’en amènerai davantage ; et quand, après avoir traversé la mer, je débarquerai sur cette plage, envoie mille Latins à ma rencontre, et de mes mille Serbiens et de tes mille Latins, le plus beau et le plus magnifique sera Maxime, mon enfant, ton beau fils chéri. —

» Et le doge entendit ces paroles, et les deux princes ses fils, et les cent seigneurs latins l’entendirent aussi. Le prince vénitien, tout heureux, ouvrit ses bras à Ivan, et il le baisa au visage. —

» — Merci pour de telles paroles ; si j’ai le bonheur d’avoir un beau fils, beau entre mille, il me sera précieux comme mon œil, je l’aimerai comme mon propre enfant. Mais s’il n’en est pas ainsi, tu peux toujours venir ; mais ton départ d’ici ne serait peut-être pas sans quelques désagréments. — »

Il est assez remarquable que dans cette poésie populaire le doge s’exprime avec tant de retenue. Il menace, mais en diplomate, par une phrase obscure ; il dit que si le prince ne tient pas sa parole, il pourra avoir quelques désagréments. Tous les critiques qui : examinèrent ce poëme sont d’accord pour y trouver un singulier caractère de calme, de retenue et de sagesse, même là où le personnage parle avec passion. Les paroles sont quelquefois dures ; mais il y a un certain ordre, une certaine logique dans chaque discours.

Au contraire, dans la poésie moderne, la passion domine ; même quand elle s’exprime avec calme, on peut apercevoir, malgré la froideur des phrases, un désordre intérieur dans les idées. Ce caractère de gravité, de calme, propre à la poésie slave, vient