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une grande maison, dont une partie forme l’écurie. Chaque sénateur reçoit 200 francs et de la farine pour son pain. Il apporte avec lui son fusil, et après avoir jugé quelqu’un, il est obligé de prêter aussi main-forte à la justice. Mais tout le monde voulant être sénateur, cette place étant la seule rétribuée, l’évêque a été obligé de proclamer une loi d’après laquelle les Montenegrins devenaient sénateurs à tour de rôle. Jusqu’à présent, ces institutions judiciaires ne réussissent pas. Il est difficile de juger un coupable qui se réfugie au sein de sa famille, cette famille regardant comme de la dernière infamie l’acte de livrer le coupable. Tout fait croire que la réforme tombera d’elle-même, que le pays restera tel qu’il a existé dans ses mœurs primitives. Les réformes concernant l’administration civile sont de même impossibles à introduire. Lorsqu’il y a matière à procès, on choisit un juge ; ce juge stipule d’abord le paiement qui lui sera dû pour son jugement ; après quoi il s’oblige à faire exécuter l’arrêt. On choisit pour juge un homme fort, un bon tireur de fusil, et qui a beaucoup d’amis ; c’est le moyen de faire respecter la justice. La position singulière de ce pays de montagnes, les mœurs de ce peuple, d’ailleurs bon, hospitalier, en ont jusqu’à présent assuré l’indépendance, sans pourtant qu’il puisse jamais prétendre à exercer aucune influence extérieure. Probablement, tous les peuples slaves continueraient à exister dans le même état s’ils étaient défendus par des montagnes comme Montenegro, ou par la jalousie de leurs voisins, les Vénitiens, les Autrichiens et les Tures ; ceux-ci défendent