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présentant de l’État, cet empereur était souverain ; l’État, c’était lui. Il administrait, il gouvernait, il punissait. Mais comme individu, on ne l’aimait pas plus qu’on ne le haïssait ; il n’avait pas de partisans. Une fois renversé du trône, il n’avait ni amis, ni ennemis. On lui coupait le nez ou les oreilles, on l’enfermait dans un monastère et on ne pensait plus à lui. Au-dessous de l’empereur une hiérarchie des administrés, une bureaucratie savante, divisée en degrés, jugeait et administrait le pays. C’étaient des hommes habiles, pleins d’expérience et de savoir. Ils étaient obligés d’abord de faire des études et un long apprentissage avant d’être créés magistrats. Une armée disciplinée, obéissante, remplissait les ordres des chefs avec résignation. Cette administration s’appuyait sur le code romain, dont tout le monde connaît la profondeur et la perfection. Dans cette organisation du gouvernement grec, toute individualité est détruite, tous les hommes sont égaux devant la loi ou plutôt devant le gouvernement même, et tout est sacrifié à la marche de la machine froide et compliquée. Il n’y avait plus aucune vie dans l’empire ; les sujets, tout en obéissant, n’avaient plus aucun intérêt moral d’appuyer le gouvernement. Aussi, dès que les armées de l’empereur étaient repoussées d’un territoire, ses habitants préféraient obéir à un conquérant barbare plutôt que de continuer à vivre sous la domination impitoyable et invisible des empereurs byzantins. Le chef barbare était violent, sans doute, mais il y avait dans ces passions quelque chose d’humain qui lui valait les