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ligion était enfermée dans le sanctuaire ; les prêtres et le peuple étaient franchement idolâtres. L’idolâtrie formait même la face extérieure de la religion. Dans le peuple, les hommes intelligents, les artistes s’appliquaient à perfectionner ces idées mythologiques, à donner au système un développement artistique et scientifique. Dès l’époque de Pisistrate, où l’on a commencé à réunir les fragments de l’épopée, les poëtes, les mythologues n’étaient plus des mendiants, c’étaient des artistes, des hommes supérieurs, des chefs intellectuels et artistiques de la société. Cette classe d’hommes n’a pu naître chez les Serbiens. La mythologie chrétienne, qu’ils ont substituée à l’Olympe grec, ne pouvait être acceptée que par la populace et dut rester locale. Parce que d’un côté la religion chrétienne qui florissait chez les nations slaves voisines, qui s’y développait par la science et par l’art, ne pouvait pas se concilier avec les idées grossières des poëtes serbiens ; et que d’un autre côté l’influence de l’islamisme en arrêtant tout progrès chrétien, ne laissa au peuple conquis que ses superstitions. De sorte que le merveilleux, la mythologie, le fond, la racine de tout poëme épique, se corrompit chez les Slaves avant même que la poésie épique pût réunir les éléments nécessaires à son existence.

La langue elle même a subi aussi des changements, par suite de l’introduction d’un grand nombre de mots turcs. Depuis longtemps, d’ailleurs, le voisinage des peuples ouraliens désorganisait la langue slave. Cependant on a observé que cette langue n’accepta que les substantifs ; si elle emprunta des mots étran-