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Turcs ? Le Turc a-t-il une grande armée ? Pouvons- nous l’attaquer et sommes-nous en état de le vaincre ? » À quoi l’autre répond :

« — O mon frère Milosch, j’ai exploré l’armée des Turcs ; le sultan a véritablement une armée très grande : si nous nous changions, nous tous, certes, tant que nous sommes, en bloc de sel, il n’y aurait pas assez de sel pour assaisonner le repas des Turcs. »

Cette citation nous rappelle un passage d’Homère qui ressemble beaucoup à celui-ci : Agamemnon, parlant aux chefs grecs, dit, pour les encourager, que leur nombre est tellement grand, que si un Troyen voulait verser du vin à dix Grecs, plusieurs dizaines manqueraient d’échansons. C’est à peu près la même manière d’exprimer la même pensée.

« — Pendant plus de quinze jours, dit Kossantchitz, j’ai rôdé chez les Turcs en cherchant en vain à découvrir le nombre de leurs soldats et les limites de leur camp immense. Depuis la montagne jusqu’au fleuve, depuis le fleuve…, etc. »

Ici, il commence à décrire les villes, les villages, toute la topographie des lieux où était assis le camp des Turcs. Tous ces détails sont précieux pour l’histoire. Il continue ainsi :

« — Toute cette terre est couverte de l’armée turque. Les chevaux sont serrés contre les chevaux, les guerriers contre les guerriers. La forêt compacte de leurs lances apparaît de loin comme une masse de granit ; les étendards flottent au-dessus comme des nuages, et les tentes nombreuses et vastes brillent comme des glaces. Si une goutte de pluie tom-