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ciel ; sur la terre, le poëte se borne à revendiquer la gloire pour ses héros. Au contraire, le culte de la force paraît à plusieurs reprises dans les poëtes modernes, chez les peuples paganisés ; ce culte du succès ferme leur histoire comme elle a commencé celle des vieilles nations.

Après le défi du sultan, le roi avec ses chevaliers célèbre une fête ; c’est par des fêtes que commencent et finissent la plupart des poëmes slaves ; presque toujours on en célèbre une avant chaque bataille. Déjà, dans ce poëme, les deux rivaux, Milosch et Wouk Brankowitch, sont divisés d’opinions. Wouk Brankowitch médite sa trahison ; il calomnie son rival pour le perdre dans l’esprit du prince ; il l’accuse de vouloir trahir la cause des Slaves, Le roi Lazare se conduit très noblement ; dans cette fête, qui préside le combat, il porte le premier toast à Milosch, le plus brave de ses guerriers, et lui donne une preuve de sa confiance. Voici cette partie du poëme :

« Le roi Lazare célèbre ses fêtes dans la ville de Krouschevatz. Tous les seigneurs sont assis à sa table ; tous les seigneurs et toutes les grandes dames. À droite est assis le vieil Yug, à côté de lui les neuf Yugowitchs, ses fils ; à côté d’eux Wuk Brankowitsz, et au bout de la table le vaillant Milosch Obylicz. (Le bout de la table était la place d’honneur, vis-à-vis du roi.)

» Il prend une coupe d’or et parle ainsi : — Seigneurs serbiens, à qui dois-je d’abord offrir cette coupe ? Si je ne considère que l’âge de mes con-