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paraît sa femme, la reine Militza, la plus belle des femmes de son temps, dit la légende.

Cette reine fait remarquer à son mari que tous les rois de la famille des Nemanitschs, ses prédécesseurs, laissèrent des souvenirs honorables dans le pays, par leurs fondations monastiques. Elle se met alors à raconter l’histoire de toutes ces fondations. C’est là un morceau aussi précieux pour l’histoire slave que le sont certains détails, sur la fondation des villes, qui se trouvent dans l’Iliade. À ce récit, le roi, transporté d’enthousiasme, fait le vœu de bâtir un couvent qui surpasserait en grandeur et en magnificence tous les monuments slaves. Il fera, dit-il, couler les fondements en plomb, il élèvera des murailles, des parois, en argent battu, et le toit sera couvert de perles fines et de pierreries.

Mais Milosch Obilitch, le chevalier par excellence (c’est le même Milosch qui tua plus tard le sultan Amurat), consulte ses livres sacrés : ces livres qui jouent le même rôle que Calchas dans la poésie grecque, et auxquels on a recours dans toutes les occasions et à la veille de tous les grands événements. Or, Milosch voit dans ces livres la preuve qu’on est arrivé aux derniers temps ; que la fin de la société, du royaume serbien est arrivée ; que les Turcs doivent conquérir le pays. Or, comme ces Turcs avides cherchent surtout l’or, l’argent et les pierreries, il vaut donc mieux fonder cette église sur le granit, la bâtir en brique et la couvrir en tuiles. Ainsi faite, elle survivra à la conquête des infidèles. Cette prédiction s’est vérifiée, car le couvent de Rawanitza,