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agit toujours environné de tous côtés par des puissances mystérieuses.

Chez les Slaves, ces éléments surnaturels manquent absolument. Leur poésie est tout à fait naturelle, terrestre. Sa sphère est terminée par le Danube, du moins dans l’ancienne poésie, et par les pays des Lithuaniens et des Allemands. Ce qui est remarquable, c’est la forme plastique du style. Les formes de la poésie normande sont toujours arrêtées ; le dessin de chaque pièce est parfaitement net, quoique l’idée flotte dans les nuages ; le style est très précis et très expressif. Dans la poésie grecque, on trouve de la mollesse, malgré la magnificence du coloris. La poésie slave est intermédiaire entre ces deux genres. Elle n’a pas la perfection étudiée du style grec ; elle n’a pas de contours aussi durs que ceux des poëmes lyriques des Scandinaves. Elle est plastique, elle est visible et sensible dans son style ; cette forme la distingue de la poésie scandinave ancienne ainsi que de la poésie allemande moderne.

On n’a pas réussi jusqu’à présent à retrouver la mesure de l’ancienne composition slave. La forme n’est pas le mètre grec ; elle rappelle plutôt la prose de l’église latine qui est si poétique et par les idées et aussi par la musique ; prose mesurée et quelquefois déterminée par les assonances et le rythme. On retrouve cette forme dans les plus anciens poëmes polonais, dans les chants de saint Adalbert et même dans les plus beaux chants des cantiques de l’Église.

Plus tard, la poésie russe écrite ayant été complétement négligée, cette forme a disparu ; mainte-