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L’histoire moderne des Slaves est étroitement liée à celle des nations de l’Occident. Dans les temps peu éloignés, on a vu une armée slave (l’armée russe) sur tous les champs de bataille, dans toutes les capitales de l’Europe. Cette armée, partout où elle mettait le pied, était sûre de rencontrer une autre armée slave (les légions polonaises) qui, sortant de dessous terre comme une ombre vengeresse, se dressait devant elle en Italie, la suivait du Niémen à Moscou, puis revenait lui barrer le passage à la Bérésina et sous les murs de Paris. Et après la chute du héros du siècle, quand toute l’Europe fut tranquille, on la vit de nouveau surgir tout à coup, frapper l’armée russe dans ses cantonnements, engager avec elle une lutte terrible, remplir le monde de bruit, ébranler les peuples de sa race ; et les autres, amis ou ennemis, les enflammer d’une brûlante inimitié ou d’une sympathie plus brûlante encore ; disparaître, enfin, en laissant derrière elle un long retentissement de douleur et de gloire. Partout l’aigle de Pologne ; toujours derrière le hurra russe s’est fait entendre le cri de guerre des Polonais. Si nous tournons nos regards vers le passé, qu’entendons-nous encore ? Sinon l’écho répété de cette lutte où les deux armées combattent souvent pour une cause en apparence étrangère, où elles ne portent point leurs propres couleurs, où elles ne connaissent seulement, a dit un poëte, à la vigueur des coups ; de cette lutte qu’un Russe, le prince Wiazemski, a appelée « Une Thébaïde sans fin ».

Quelle est la cause de ce antagonisme ? Quelle en