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éloigné de tout champ de bataille, il notait dans sa cellule les traditions anciennes et les nouvelles du jour racontées par les autres moines. On sait que son histoire ne remonte pas au-delà de la conquête de la Russie par les Normands. Il était né au milieu du xie siècle, c’est-à-dire deux cents ans après cette invasion. L’histoire slave antérieure ne l’intéresse presque pas : quant à l’histoire normande, il la raconte de la manière la plus simple. Ces notes historiques pourtant sont très importantes sous le rapport géographique. À l’imitation des historiens grecs, il fait précéder son livre d’une sorte de préface qui rattache son histoire à l’histoire du monde. L’absence de tout enthousiasme, de toute idée générale, de tout point de vue élevé dans le récit de Nestor, a séduit les écrivains du xviiie siècle, qui en ont fait le modèle des historiographes. La simplicité de sa diction les a tellement aveuglés, qu’ils n’ont osé corriger aucune de ses fautes chronologiques ou géographiques. Cependant, son livre n’est autre chose qu’un reflet de la littérature byzantine : or, les écrivains du bas-empire sont loin d’être des modèles de force et d’esprit dans leurs ouvrages historiques. Ce sont les œuvres d’un peuple que la vie abandonne, qui s’éteint. Nestor a seulement rafraîchi, par le charme de sa naïveté slave, l’aridité des Byzantins.

Vers la même époque apparaît en Pologne un chroniqueur nommé Gallus. On ne s’accorde pas sur son origine. On s’est demandé s’il était Gaulois ou Polonais ; mais ceux qui élèvent ce doute n’ont examiné ni le rhythme ni la mesure de ses vers qui, sous leur