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des rois, et plus tard dans les diètes, où elles trouvèrent une parole puissante.

Ainsi, l’importance individuelle des hommes d’église est bien différente dans ces deux pays. L’évêque est une personne sacrée en Pologne, tandis que chez les Orientaux, malgré la sagesse du clergé, souvent supérieur à celui de l’Occident par l’austérité de sa vie, il est traité durement par les rois et par le peuple. On ne rencontre aucun exemple d’un traitement brutal envers les prêtres dans les pays catholiques du Nord ; et si des écrivains et des poëtes polonais haïssent parfois les moines, cette haine est encore mêlée de respect.

Les mêmes motifs qui avaient fait interdire la prédication aux évêques d’Orient, amenèrent les princes russes à défendre au clergé d’écrire les annales du pays. Pendant longtemps, en effet, les moines, les seules personnes lettrées de l’empire, en rédigèrent les chroniques. Cette coutume devait sembler au gouvernement russe dangereuse et contraire à la politique, puisqu’elle donnait aux opinions individuelles le moyen de juger les affaires de l’État : elle dut cesser.

Le plus ancien des chroniqueurs slaves est précisément un de ces moines ; il se nomme Nestor. Né dans le pays situé entre le Bug et le Borysthène, contrée qui porte le nom de terre russienne, et qui est contesté entre les Russes et les Polonais, Nestor ne connaissait aucune littérature occidentale ; il ne savait pas le latin, il avait pour guide unique les historiens de Byzance ; il était imbu de leur style, de leur esprit. Etranger lui-même à toutes les affaires politiques,