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lectes des Illyriens, des Monténégrins et des Bosniaques. De sorte qu’un jurisconsulte Russe, occupé d’une législation qui semble, par sa science, par son étendue, appartenir aux temps de Justinien, peut se rencontrer et s’entendre avec un poète de l’Ukraine, qui lui-même, peut être pris pour un contemporain des lyriques grecs. Ce poëte, à l’inspiration, à l’éclat, à l’art d’un Grec et d’un Romain, joint la fraîcheur d’une jeune et riche imagination, et d’une forme des plus achevées ; il a su rendre le souffle de la vie à tout le passé de sa nation : chacun devine que je veux parler de notre Bohdan Zaleski. A côté des législateurs et des poëtes, les savants bohêmes entreprennent et achèvent des travaux d’érudition que nous pourrions comparer à ceux de l’école d’Alexandrie, s’ils n’avaient ce caractère tout particulier d’être inspirés par un enthousiasme national, presque religieux, dont on ne trouverait d’exemple que parmi les anciens commentateurs de la Bible. Mettons enfin en lumière tel poëte illyrien ou serbe, vieillard aveugle, chantant sur sa guzla ces rapsodies qui ont frappé d’admiration des critiques comme Grimm et Ekstein, que Herber et Goethe n’ont pas dédaigné de traduire, et nous verrons ainsi, résumés, accomplis par les dialectes d’une seule langue, tous les rôles, toutes les destinées réparties d’ordinaire entre les différentes langues comme par exemple en Orient, entre le sanscrit, le turc, l’arabe et le persan. C’est un spectacle étrange, unique en son genre. De la connaissance d’une telle langue, on peut tirer une nouvelle lumière capable d’éclairer beaucoup de