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mettre les villes rebelles : ces guerriers traversaient la Russie en la pillant, et retournaient ensuite dans leur patrie. Ceux qui restèrent en Russie, perdirent, dès la troisième génération, tous les caractères de leur origine. La famille qui régnait, elle-même, devint slave ; elle ne conserva de son origine étrangère qu’une tenace et forte idée de domination. Pendant deux cents ans, les princes russes se sont livré des guerres acharnées pour s’emparer des terres et des villes. Aucun intérêt populaire, aucun mobile national ne perce dans leurs longues luttes ; il n’y est jamais question que de ceux qui doivent régner et gouverner. La famille des Plantagenets nous offre, en Angleterre, le type le plus complet de la domination normande. Elle a introduit en Angleterre le système féodal français, système que les Normands russes n’ont pu fonder en Russie, faute d’éléments sur lesquels ils pussent l’établir. Le peuple slave était dispersé dans de petites villes, dans de petites colonies, n’ayant aucun lien entre elles : les conquérants se partagèrent le peuple comme faisant partie de la terre qu’il cultivait ; mais ce partage même ne put servir de base à une hiérarchie quelconque ; c’est là ce qui distingue l’empire russe des autres empires normands de l’Europe. Le prince russe était à la fois chef politique et propriétaire du sol ; il n’y avait aucun rapport politique entre lui et les seigneurs ; par le titre de grand-duc on voulait plutôt désigner le fils aîné de la famille que l’héritier du trône. L’idée de la souveraineté en Russie est devenue complètement étrangère à celle que l’on s’en fait en