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force organisatrice, le lien des masses est un élément étranger importé de la Scandinavie et du Caucase. Le corps social, ainsi formé et fécondé d’un esprit venu de l’extérieur, commence à produire des états proprement dits. L’idée chrétienne y vient à son tour répandre son souffle de vie et d’unité, et, dans quelques uns de ces états du moins, elle mêle et fond tellement ensemble tous les principes vitaux, qu’il est impossible pendant des siècles d’y reconnaître des traces d’origines différentes et de tendances hostiles. Si la science moderne commence à discuter les éléments constitutifs de ce grand corps politique, si elle commence à y démêler quelques parties hétérogènes, ce n’est pas à la sagacité des érudits que nous le devons. On a dernièrement reconnu qu’en France et en Angleterre les classes supérieures descendaient des Francs et des Normands, ce que Hume et les écrivains du XVIIIe siècle n’avaient pas même soupçonné. Mais ces sortes de découvertes, encore une fois, nous ne pouvons les attribuer à la pénétration des historiens. L’élément qui unissait et inspirait des races si diverses d’origine s’est brisé ou affaibli, et les débris de l’unité rompue se sont d’eux-mêmes décomposés et détruits. La religion chrétienne ayant été repoussée comme lien insuffisant, l’esprit qui émanait d’elle a fait défaut, et les principes purement physiques se sont aussitôt développés ; ainsi les gaz en se dégageant d’un corps en trahissent la décomposition. Il a été facile, dès lors, de soumettre le principe matériel à un examen en quelque sorte chimique ; mais cette découverte n’a rien de consolant pour le peuple