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la communauté chrétienne, les Slaves essaient depuis quelque temps de prendre eux-mêmes la parole, de parler votre langue, de pousser leurs œuvres dans le courant de votre littérature. Mais cet essai, jusqu’ici entrepris dans l’intérêt d’une personne, d’une opinion ou d’un parti, n’ayant pas réussi, on commence à comprendre que, pour fixer l’attention des peuples de l’Occident, distraits par tant de secousses, si diversement préoccupés, il ne suffit pas de leur montrer çà et là quelques points lumineux ; mais qu’il faut leur découvrir tout le champ de la littérature slave. Le gouvernement français, en instituant cette chaire, a fait ce que les Slaves désiraient le plus. Il serait malséant à moi de retarder plus longtemps l’effet de ce grand acte.

J’ai pensé aussi que quelques circonstances de ma vie passée me permettaient de répondre à la mission qui m’est confiée : un long séjour dans les différents pays slaves, les sympathies que j’y ai rencontrées, les souvenirs. qui se sont gravés pour toujours dans ma mémoire, m’ont donné de sentir l’unité de notre race plus que je n’aurais pu le faire par la seule étude et les raisonnements théoriques ; les causes de nos divisions passées, les moyens d’arriver à notre réunion future n’ont jamais cessé de me préoccuper. Le plan de mon cours est dès lors tout trouvé, et je crois, dans ce cas qu’il m’est plus facile, qu’à aucun autre parmi les Slaves, de me garantir de l’influence des préjugés des passions ; de me placer au-dessus du point de vue étroit, exclusif des intérêts de parti. La partialité serait un obstacle à l’in-