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L’auteur de l’Ane d’or, déjà mentionné par nous, est le seul écrivain qui nous ait conservé la relation mythique des amours de Psyché et de Cupidon ; cependant, on voit sur les monuments d’architecture, antérieurs à Apulée, les figures et les scènes principales de ce roman. Les anciens artistes n’en ont pas reproduit le sujet d’après le livre d’Apulée, mais d’après une tradition généralement connue. On en peut retrouver les traces dans la collection des contes slaves qui ont été publiés en Russie. Une coïncidence si étonnante a vivement préoccupé les esprits. Walter Scott compare la tradition populaire à ces brins de paille que le vent disperse à la surface de la terre. La comparaison, toute juste qu’elle est, n’a rien expliqué. On a cru que les contes les plus intéressants ont été traduits d’une langue dans une autre, qu’ils sont ainsi devenus la commune propriété des peuples ; mais on oublie trop que dans les siècles passés les peuples ne se préoccupaient ni de livres ni de traductions, et qu’aujourd’hui encore les Slaves sont étrangers à ces liens qui unissent les nations civilisées. Il faut donc reconnaître que les traditions datent d’une époque très éloignée, d’une époque où l’art d’écrire n’était pas même connu. Elles composent, pour ainsi dire, une littérature fossile dont les débris, comme les ossements des animaux antédiluviens, appartiennent à tous les pays et à tous les climats. On ne peut assigner une patrie aux mastodontes ; de même on ne peut dire où est le pays des mythes antiques. Il est surprenant toutefois que les contrées où se trouvent le plus de ces ossements fossiles soient aussi celles où se ren-