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» Après le dîner, la soirée se termina par une réception qui amena dans les salons de Metternich les plus grands noms de la société viennoise. Il y eut également concert. Sur le programme figurait un des derniers trios parus de Beethoven… toujours lui, lui partout, comme on le dit de Napoléon. — Le nouveau chef-d’œuvre fut religieusement écouté et obtint un resplendissant succès. En l’entendant au milieu de toutes ces magnificences mondaines, je me disais mélancoliquement, qu’à ce moment le grand homme achevait peut-être, dans l’isolement du réduit où il vivait, quelque œuvre de haute inspiration destinée, comme les précédentes, à initier à des beautés d’ordre sublime, cette même aristocratie brillante d’où il était exclu et qui, toute à ses jouissances, ne s’inquiétait guère de la misère de celui qui les lui procurait.

» N’ayant pas réussi dans mes tentatives pour créer une rente annuelle à Beethoven, je ne perdis pas toutefois courage. Je voulus essayer de réunir les fonds nécessaires, afiu de lui acheter une habitation. Je parvins à obtenir quelques promesses de souscription ; mais, en y ajoutant la mienne, le résultat final fut très médiocre. Il fallait donc aussi abandonner ce second projet. On me répondit généralement : « Vous connaissez peu Beethoven. Le lendemain du jour où il sera propriétaire d’une maison, il la revendra. Il ne saura jamais s’accommoder d’une demeure fixe ; car il éprouve le besoin de changer de quartier tous les six mois et de servante toutes les six semaines. » Etait- ce une fin de non-recevoir ?

» Mais en voilà assez, je pense, de moi et des autres, qui sommes le Passé et même le Trépassé. Parlons un peu du Présent et, si vous le voulez bien, monsieur Wagner, surtout de l’Avenir, puisque dans la publicité votre nom apparaît, presque toujours inséparable de cette épithète. Ceci, bien entendu, sans la moindre intention malicieuse de ma part. — Et d’abord, dites-moi, êtes-vous définitivement fixé à Paris ? Quant à votre opéra Tannhäuser,


    prenant donc les symphonies 1 à 7, Fidelio, quatuors, trios, presque toute l’œuvre de piano, etc. Ajoutons que dès leur apparition tous ces chefs-d’œuvre, loin d’être méconnus, jouissaient de l’admiration universelle.