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jusqu’à Blaubeuren, et de là dans le château d’Asperg. Il l’y laissa languir dix années, loin de sa femme et de ses enfants, sans pitié, sans motif, sans excuse. Il supposait que sa victime cherchait à jouer en Allemagne le rôle d’un autre Voltaire; et son orgueil de principicule s’en était formalisé. Ne se donnant pasmèmela peine d examiner la valeur de ses soupçons, il avait trouvé plus facile et plus digne d’un juge infaillible comme lui, d’emprisonner sur-le-champ le malheureux auteur. Schiller avait à redouter un sort pareil, s’il courrouçait le prince un moment endormi dans sa tanière.

Il ne pouvait d’ailleurs s’occuper lui-même des préparatifs qu’exigeait son dessein ; le moindre effort tenté dans ce but aurait suffi pour le trahir. Un ami vint à son secours. Andréas Streicher, avec lequel il était lié depuis dix-huit mois, se chargea des soins nécessaires, et l’émigration fut irrévocablement décidée. La cour de Wurtemberg s’apprêtait justement à fêter le grand-duc de Russie, qui devint ensuite le czar Paul, et qu’on attendait avec son épouse. Le tumulte des réjouissances leur offrait une occasion propice. Chacun d’eux alla tristement embrasser sa mère, et le 17 du mois de septembre, à neuf heures du soir, les fugitifs se mirent en route. Une petite carriole, chargée de malles, de livres et d’instruments de musique, devait les transporter au-delà des frontières.