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eux-mêmes un livre pour expliquer ensemble, étudier et chercher ensemble. Ces libertés furent fécondes ; le Collége de Navarre donna une foule d’hommes éminents, des orateurs, des critiques, les Clémengis et les Launoy, les Gerson et les Bossuet[1].

Ce qu’il y avait de liberté dans les écoles du moyen âge, disparut aux derniers siècles.

  1. Voyez encore avec quelle fécondité, le libre développement se produit dans ces aimables associations des grands peintres, du treizième au seizième siècle !

    Le maître, admettant ses élèves à peindre dans ses tableaux, n’en poursuit pas moins, à travers ce flot de peinture diverse, sa vigoureuse impulsion… Eux qui semblent s’immoler à lui, s’absorber en lui, se perdre dans sa gloire, plus ils s’oublient, plus ils gagnent. Ils vont libres et légers, sans intérêt, ni orgueil, et la grâce vient sous leur pinceau, sans qu’ils sachent d’où elle vient… Un matin, voilà ce jeune homme qui broyait hier les couleurs, devenu lui-même maître et chef d’école.

    Ce qui, dans l’association libre, est vraiment divin, c’est qu’en se proposant telle œuvre spéciale, elle développe ce qui est au-dessus de toute œuvre, la puissance qui peut les faire toutes : l’union, la fraternité… Dans tel tableau de Rubens où Van Dick a mis la main, il y a quelque chose au-dessus de ce tableau, au-dessus même de l’art, leur glorieuse amitié !

    Plus on comprendra la vertu de la libre association, plus on se plaira à voir surgir à la vie des forces nouvelles ; plus on tendra la main au nouveau venu. Tout homme de génie différent, d’étude diverse, nous apporte un élément qu’il faut accueillir. Il arrive pour nous compléter. Avant lui, la grande lyre que nous formons entre nous, n’était pas encore harmonique ; chaque corde n’est mise en valeur que par les cordes voisines… S’il en vient une de plus, réjouissons-nous, la lyre résonnera mieux.