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L’abîme murmure doucement : Venez à moi, que craignez-vous ? Ne voyez vous pas que je ne suis rien ?

Et c’est parce que tu n’es rien, justement, que j’ai peur de toi. Ce que je crains, c’est ton néant. Je n’ai pas peur de ce qui est ; ce qui est vraiment, est de Dieu.

Le moyen âge a dit dans son dernier livre (l’Imitation) : Que Dieu parle, et que les docteurs se taisent. — Nous n’avons pas ceci à dire, nos docteurs ne disent rien.

La théologie, la philosophie, ces deux maîtresses du monde, d’où l’esprit devrait descendre, disent-elles quelque chose encore ?

La philosophie n’enseigne plus ; elle s’est réduite à l’histoire, à l’érudition ; elle traduit ou réimprime.

La théologie n’enseigne plus. Elle critique, elle injurie. Elle vit sur des noms propres, sur les livres et la réputation de M. tel, qu’elle attaque… Qu’importe M. tel ou tel ? Parlez-nous plutôt de Dieu.

Il est grand temps, si l’on veut vivre, que chacun, laissant ces docteurs disputer tant qu’il leur plaît, cherche la vie en soi-même, fasse appel à la voix intérieure, aux travaux persévérants de la solitude, au secours de la libre association.

Nous n’entendons guère aujourd’hui ni la solitude,