notre âge, des Sismondi, des Daunou… M. Daunou vivait dans un faubourg éloigné, au milieu des jardiniers ; tous les matins, quand ils voyaient la lumière à sa fenêtre, ils se mettaient au travail et disaient : « Il est quatre heures. »
En commençant une œuvre immense, comme est l’histoire de ce pays, une œuvre sans proportion avec la durée de la vie humaine, on se condamne à mener une vie de reclus… Cette vie n’est pas sans danger. On s’y absorbe à la longue, au point de ne plus savoir ce qui se passe au-dehors, et parfois l’on ne s’éveille que quand l’ennemi force la porte, et qu’il est entré chez vous.
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Hier encore, je l’avoue, j’étais tout entier dans mon travail, enfermé entre Louis XI et Charles le Téméraire, et fort occupé de les accorder… lorsqu’entendant à mes vitres ce grand vol de chauve-souris, il m’a bien fallu mettre la tête à la fenêtre et regarder ce qui se passait.
Qu’ai-je vu ? Le néant qui prend possession du monde… et le monde qui se laisse faire, le monde qui s’en va flottant, comme sur le radeau de la Méduse, et qui ne veut plus ramer, qui délie, détruit le radeau, qui fait signe… à l’avenir ? à la voile de salut ?… Non ! mais à l’abîme, au vide…