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De nos jours les amis de la liberté se recommandent volontiers du fataliste Luther. Cela semble bizarre au premier coup d’oeil. Luther lui-même croyait se retrouver dans Jean Huss, dans les Vaudois, partisans du libre arbitre. C’est que ces doctrines spéculatives, quelque opposées qu’elles paraissent, se rencontrent toutefois dans leur principe d’action, la souveraineté de la raison individuelle, la résistance au principe traditionnel, à l’autorité.

Il n’est donc pas inexact de dire que Luther a été le restaurateur de la liberté pour les derniers siècles. S’il l’a niée en théorie, il l’a fondée en pratique. Il a, sinon fait, au moins courageusement signé de son nom la grande révolution qui légalisa en Europe le droit d’examen. Ce premier droit de l’intelligence humaine, auquel tous les autres sont rattachés, si nous l’exerçons aujourd’hui dans sa plénitude, c’est à lui en grande partie que nous le devons. Nous ne pouvons penser, parler, écrire, que cet immense bienfait de l’affranchissement intellectuel ne se renouvelle à chaque instant. Les lignes mêmes que je trace ici, à qui dois-je de pouvoir les publier, sinon au libérateur de la pensée moderne ?

Cette dette payée à Luther, nous ne craindrons pas d’avouer que nos sympathies les plus fortes ne sont pas de ce côté. On ne trouvera point ici l’énumération des causes qui rendirent la victoire du protestantisme inévitable. Nous ne montrerons pas, après tant