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profonde de notre nature. C’est le seul homme peut-être où l’on puisse étudier à plaisir cette terrible anatomie.

Jusqu’ici on n’a montré de Luther que son duel contre Rome. Nous, nous donnons sa vie entière, ses combats, ses doutes, ses tentations, ses consolations. L’homme nous occupe ici autant et plus que l’homme de parti. Nous le montrons, ce violent et terrible réformateur du Nord, non pas seulement dans son nid d’aigle à la Wartbourg, ou bravant l’Empereur et l’Empire à la diète de Worms, mais dans sa maison de Wittemberg, au milieu de ses graves amis, de ses enfants qui entourent la table, se promenant avec eux dans son jardin, sur les bords du petit étang, dans ce cloître mélancolique qui est devenu la demeure d’une famille ; nous l’entendons rêvant tout haut, trouvant dans tout ce qui l’entoure, dans la fleur, dans le fruit, dans l’oiseau qui passe, de graves et pieuses pensées.

Quelque sympathie que puisse inspirer cette aimable et puissante personnalité de Luther, elle ne doit pas influencer notre jugement sur la doctrine qu’il a enseignée, sur les conséquences qui en sortent nécessairement. Cet homme qui fit de la liberté un si énergique usage, a ressuscité la théorie augustinienne de l’anéantissement de la liberté. Il a immolé le libre arbitre à la grâce, l’homme à Dieu, la morale à une sorte de fatalité providentielle.