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faire d’un air d’arrogance ou de révolte : telle est, selon moi, la méthode qui convient à l’esprit du Christ. Ce que j’en dis n’est pas pour vous enseigner ce que vous devez faire, mais pour que vous fassiez toujours comme vous faites. »

Ces timides ménagements n’étaient point à l’usage d’un tel homme ni d’un tel moment. L’entraînement était immense. Les nobles et le peuple, les châteaux et les villes libres, rivalisaient de zèle et d’enthousiasme pour Luther. A Nuremberg, à Strasbourg, à Mayence même, on s’arrachait ses moindres pamphlets. La feuille, tout humide, était apportée sous le manteau, et passée de boutique en boutique. Les prétentieux littérateurs du compagnonnage allemand, les ferblantiers poètes, les cordonniers hommes de lettres, dévoraient la bonne nouvelle. Le bon Hans-Sachs sortait de sa vulgarité ordinaire, il laissait son soulier commencé, il écrivait ses meilleurs vers, sa meilleure pièce. Il chantait à demi voix le rossignol de Wittemberg, dont la voix retentit partout.

Rien ne seconda plus puissamment Luther que le zèle des imprimeurs et des libraires pour les idées nouvelles. « Les livres qui lui étaient favorables, dit un contemporain, étaient imprimés par les typographes avec un soin minutieux, souvent à leurs frais, et à un grand nombre d’exemplaires. Il y avait une foule d’anciens moines qui, rentrés dans le siècle, vivaient des livres de Luther, et les colportaient par toute l’Allemagne. Ce n’était qu’à force d’argent que les catholiques pouvaient faire imprimer leurs ouvrages,